Rien ne prédisposait le jeune Antonin Jaurès (Finnegan Oldfield qui réussit à jouer sur le fil le candide ni trop benêt ni trop roué), sinon son illustre patronyme, à faire de la politique. Repéré par un sous-couteau (Philippe Katerine, décidément excellent dans les seconds rôles), il est recruté par Agnès Karadzic (Alexandra Lapin, une main de fer dans un gant de velours), la directrice de cabinet de Catherine Beressi (Valérie Karsenti), une candidate à la primaire "démocrate". Mais, lorsque Pascal Perenois (Gilles Cohen), le favori de la primaire, l'emporte, sonne l'heure des choix.
J'avais raté, à sa sortie en septembre dernier, cette comédie française, dissuadé par une bande-annonce qui me faisait craindre sa médiocrité. Je me trompais.
Bien que signé par Mathieu Sapin, fin observateur de la vie politique française (embedded dans l'équipe de campagne de François Hollande puis à l'Elysée, il en avait tiré deux romans graphiques : "Campagne présidentielle" et "Le Château"), "Le Poulain" n'est pas toujours crédible. La vie de cabinet est, hélas, autrement plus terne que celle que le cinéma fantasme et qu'il est bien obligé d'inventer pour retenir l'attention d'un auditoire qui, si la morne réalité des jours lui était racontée, aurait tôt fait de déserter les salles. C'est le travers de toutes les fictions qui s'y sont colletées, aussi réussies soient-elles, depuis "Quai d'Orsay" à "Baron noir" en passant par "L’État de Grâce" (la mini-série de 2006 avec Anne Consigny qui prophétisait la victoire de Ségolène Royal à la présidentielle de 2007), "L'Exercice de l’État" (le film avec Olivier Gourmet et Michel Blanc), "Les Hommes de l'ombre" (la série avec Nathalie Baye).
La politique y est décrite par le petit bout de la lorgnette avec un cynisme qui ne la grandit pas. Le fond importe peu - d'ailleurs on n'identifie pas l'orientation des candidats du parti "démocrate" qui se disputent la primaire. Rien n'est dit de la France, des Français et de leurs maux - le film sortirait alors que la jacquerie des Gilets jaunes était sur le point d'exploser. Le jeu politique est réduit à une farce jouée par des pantins libidineux, ivres de pouvoir.
Mais une fois acceptée cette "reductio ad pathologicum", il n'en reste pas moins que "Le Poulain" fonctionne parfaitement. On s'attache à son personnage principal, ce jeune stagiaire qui découvre, à son corps défendant (c'est le cas de le dire !), les dessous de la politique. On s'attache même à sa patronne, qui devient presqu'humaine dans le dernier tiers du film. Après avoir vu "Le Poulain", on ne dira plus jamais avec la même légèreté : "je te rappelle sans faute".