Le film de John Krasinski part d’un postulat assez standard (l’invasion extra-terrestre, le survivalisme) mais en y ajoutant un élément clef qui change tout : le bruit et surtout le silence. C’est une idée toute simple mais ingénieuse qui permet de fiche la trouille au spectateur avec pas grand-chose, une boite de conserve qui tombe, une porte qui grince, une fuite d’eau… Le film est réalisé de façon à respecter les codes du genre : unité de lieu et casting resserré, survivalisme à hauteur d’homme, scène avec angoisse qui monte, ou alors attaque surprise qui fait sursauter, pièges tendus dans lesquels on finit par tomber (le clou dans l’escalier), bestioles horribles, final sous extrême tension, tout y est… le film est assez court ce qui me va très bien vu qu’il est difficile pour le spectateur de tenir plus de 90 minutes sous une tension permanente, qui commence dés la première image et jusqu’à la dernière scène. Je regrette quand même que Krasinski ai du céder sur deux poncifs, sans quoi son film aurait vraiment été original et encore plus anxiogène. Il utilise de la musique, même s’il n’en abuse pas et qu’elle n’est ni envahissante ni désagréable, ca aurait été gonflé et terriblement efficace de ne jouer QUE sur le bruit et le silence, cela aurait exacerbé le moindre petit bruit de façon assourdissante. Et puis il montre les bestioles, il les montre même de près et sous tous les angles alors qu’il aurait été malin de seulement les suggérer ou alors de les montrer chichement, en arrière plan ou juste des morceaux. Les bestioles, parlons-en ,
elles compilent tout ce que le cinéma de genre à produit d’extra-terrestres hostiles, d’ « Alien » à la « Guerre des Mondes », d’ « Independance Day » à « Signes » (auquel le film fait fortement penser), ce sont des sortes d’Alien avec des pattes en plus, sans yeux mais avec plusieurs oreilles surdimensionnées, avec 3 ou 4 rangées de dents pointues, bref, des créatures de cauchemar, un peu trop hideuses pour être crédibles a mon gout.
Le casting se résume à 4 comédiens, dont John Krasinski lui-même en père de famille plutôt convaincant. Emily Blunt, actrice que j’aime beaucoup et qui fait son petit bonhomme de chemin depuis quelques années, est épatante en mère de famille à la fois courageuse et terrifiée, qui tente de maintenir une vie normale dans un monde perdu. Les enfants sont surement le point faible du casting, ils font le job mais je ne les ai pas toujours trouvés très justes. Le scénario de « Sans un bruit » partait avec une idée neuve et originale, le silence. Faire du silence (et donc du bruit) deux personnages à part entière était une idée prometteuse. Il y a une certaine audace dans un scénario qui, lors de son premier quart d’heure, brise un tabou
et fait mourir un type de personnage qui d’habitude survit à tout (le gamin innocent et tout mignon).
Mais cela permet au scénario de traiter le thème du deuil et de la culpabilité, même s’il le fait sans grande finesse.
Là encore, comme dans tous les films de genre, un des gamins est malade et/ou handicapé, c’est un classique que j’appelle « J’ai oublié ma ventoline et/ou mon insuline ! » Pas d’asthme ici, ni de diabète, Dieu merci, mais une adolescente sourde (-muette surement, mais comment en être sur ?) ce qui permet de jouer sur le silence total qu’elle ressent, puisqu’elle, en plus de tout le reste, elle n’entend pas arriver les bestioles ! Evelyn est enceinte, ce qui en soit est une idée saugrenue (Quelle idée de faire un bébé dans ce contexte, franchement ?) et c’est évidemment cela qui va déclencher l’escalade finale vers le chaos, les scènes les plus angoissantes et le grand final. Ben oui, c’était à prévoir, un accouchement ça fait mal, un bébé ça pleure et ca arrive souvent au pire moment ! La famille a encore de l’eau potable et du courant électrique, suffisamment pour un système de vidéosurveillance, et on se demande d’où il vient puisque les villes (et donc les centrales électriques) sont vides d’habitants. Elle survit en autosuffisance depuis plus de 400 jours, ce qui laisse un peu perplexe, même pour des fermiers. Le film, qui se termine très brutalement,
a néanmoins la bonne idée de ne pas proposer la solution ultime pour se débarrasser de l’envahisseur, c’est souvent le cas dans ce genre de film (« la Guerre des Mondes » ou « Signes »). Si parade contre une invasion extra-terrestre il y a, j’imagine que ce n’est pas une famille du middle-west coupée du monde qui la trouvera !
Celle qui est proposée à la fin du film n’est qu’un pis-aller qui ne saurait perdurer et je ne donne pas cher des chances de survie à long terme de la famille Abbott. C’est sans doute mieux comme ça, même si c’est un peu frustrant sur le moment.
En résumé, « Sans un bruit » est un film intéressant, original et efficace qui, s’il avait osé tordre encore un peu plus le cou aux poncifs du genre, aurait pu être encore plus original, plus intéressant et encore plus efficace.