Sans un Bruit a, de manière paradoxale, fait beaucoup parler de lui à sa sortie. Une suite circule sur les bus, placardée dans les stations de métro, promise depuis quelques mois maintenant et retardée pour les raisons que l’on sait. Pourtant, après visionnage du premier opus, on se demande bien si c’est par cécité critique ou conformisme que le long métrage a été érigé en référence du cinéma d’épouvante. Premier problème : ça peine à faire peur. Les quelques séquences réussies rejouent, en mode mineurs, des scènes empruntées à Alien, notamment au troisième film réalisé par David Fincher. Le metteur en scène, également acteur et époux de l’actrice principale, échoue à construire un rituel sensoriel et sonore autour de ses créatures qui, si elles émettent des bruits désagréables, ne laissent jamais redouter leur présence. De plus, la façon dont elles surgissent à l’écran, toujours accompagnées par une lourde musique qui tue dans l’œuf le travail du silence, est proche du jump scare maladroit et facile. Deuxième problème : l’absence de paroles n’est jamais compensée par une force de mise en scène, puisque cette dernière, impersonnelle, ne dit rien. Il fallait penser l’image et le montage comme articulation d’un langage entre les personnages et avec le spectateur, qui s’ennuie terriblement ici. Chaque plan se suit et se ressemble, la forme est figée, enfermée dans des conventions de représentation du post-apocalyptique des plus dommageables. En outre, faire un film sur le silence exigeait d’emblée des comédiens talentueux, capables de retranscrire à l’image une palette d’émotions – un regard, un geste, un figement –; de ce point de vue, les acteurs, quoique corrects, sont trop lisses, et leur écriture trop faible pour convaincre. Troisième problème : la caractérisation des protagonistes. Ici tout est fort simple : la femme est une mère enceinte chargée de l’éducation de ses enfants, de la lessive et du repas ; le mari est un barbu ténébreux au corps sculpté – or, comment se muscler sans faire de bruit avec altères, poids… ? – qui bricole des appareils dans une pièce. Lorsqu’on découvre, après deux trois recherches, que l’actrice et l’acteur (aussi réalisateur ici) sont mariés dans la vie de tous les jours, les choses changent d’aspect. Une impression de dolorisme complaisant se dégage d’un ensemble qui prend plaisir à filmer la souffrance du corps de la femme-mère : le clou, l’accouchement, l’avion avec les piles, le don de soi du mari – scène d’ailleurs hautement ridicule. Ce qui est problématique ici n’est pas tant la volonté de représenter le martyre de la femme ; non, ce qui pose problème, c’est sa gratuité au sein d’un long métrage qui ne construit aucun arrière-plan symbolique ou métaphorique. Voir Evelyn avec son gros flingue achève la peinture d’une féminité stéréotypée qui convoque tous les poncifs et les fantasmes d’un certain cinéma de genre sans aucun intérêt.