C'est par hasard qu'Alexandre Messina a été mis en contact avec l’une des éducatrices qu'il a rencontrée et qui l'a invité à une répétition pour qu'il puisse se rendre compte de ce que le groupe Percujam faisait. Le metteur en scène a alors assisté pendant une vingtaine de minutes à une session musicale et n'a cessé de se demander qui sont ces autistes. Il se rappelle :
"Je vois un groupe en osmose et qui fonctionne parfaitement. Ce n’est que lorsque la musique s’arrête que je constate, en effet, qu’il y a quelques pathologies assez lourdes. Mais j’ai pu constater à quel point, lorsqu’ils étaient ensemble, il se passait incontestablement quelque chose. Je me suis dit qu’il y avait vraiment matière à creuser. Je rencontre alors les gens de l’association, je leur dis que je ne savais pas où j’allais mais avais très envie de passer du temps chez eux, avec eux et de les suivre pendant plusieurs mois. Voire même de passer une semaine au centre avec une petite équipe. Tout leur allait à l’exception de cette semaine qui était compliquée à mettre en place. Très vite l’idée d’un film s’est imposée, parce qu’avant toute chose il y avait des personnages. Récurrents. Ils s’imposaient naturellement."
Ignorant tout du monde de l'autisme, Alexandre Messina a voulu s'immerger dans le groupe de musique et se faire oublier. Le réalsiateur a cherché à trouver une fenêtre pour que les gens comme lui, qui ne savent rien de cette pathologie, puissent vivre avec celles et ceux qui en sont atteints. Il explique : "J’ai suivi ce qui me caractérise dans mon travail de cinéaste : suivre une dramaturgie qui ne soit pas classique, c’est à dire ne pas dévoiler d’emblée les informations, laisser vivre et laisser les personnages libres. Tout comme les spectateurs. Le maître mot est d’éviter toute manipulation, privilégier l’authentique et le sincère. C’est comme cela que j’ai abordé le film, en me tenant à distance du reportage mais aussi de la forme documentaire. On peut déceler une forme de fiction dans le fait que les personnages aient des préoccupations intimes qui leur sont propres, qui les individualisent et qui puissent toucher le plus grand nombre de spectateurs."
Le tournage s'est fait par étapes. Alexandre Messina a d'abord été très bien accueilli par les jeunes autistes, à l’exception de deux d’entre eux, plutôt hostiles. Il se souvient : "Il y en avait un qui, par exemple, dès que je posais ma caméra me donnait un bon coup d’épaule. Comme pour me faire comprendre que j’étais sur son territoire. Mais les choses se sont peu à peu décrispées, surtout lorsque nous avons décidé de montrer un teaser du film aux jeunes mais aussi à leurs parents et au personnel du centre. Dès lors, je crois qu’ils ont tous ressenti la bienveillance de notre projet."
Alexandre Messina n'a pas souhaité interviewer les éducateurs ou les parents. S'il s'est à un moment donné posé la question, il remarqué que les gens se croyaient obligés de commenter l’autisme, ce qui était contraire de sa démarche.
Le cinéaste Alexandre Messina a aussi fait le choix de montrer Ie travail des éducateurs au quotidien, à savoir leur présence et voir comment ils laissent vivre ces jeunes. "J’avais envisagé à un moment de filmer un concert juste avec les jeunes. Sans les éducateurs. On m’a fait comprendre que cela n’était pas possible car si tout se passe bien, aucun problème. Mais au moindre souci, ils sont dans l’incapacité de gérer la situation. Les éducateurs sont donc essentiels à la bonne marche des concerts et en même temps tout se fait en douceur, de manière quasi invisible", confie-t-il.
Le tournage de Percujam s’est étiré sur une période de cinq ans, avec des périodes plus ou moins intenses. Alexandre Messina précise : "Parfois j’y allais une seule journée dans la semaine. Plus du tout pendant les vacances d’été, les jeunes repartent en famille. Mais j’ai aussi eu la chance de vivre avec eux en immersion. Dans leur foyer, ou durant cette fameuse semaine si difficile à organiser mais qui a bien eu lieu. C’était très important de passer la nuit sur place, d’être avec eux au petitdéjeuner, je savais que j’entrais pleinement dans leur sphère."
Le film Percujam parle à la fois de la valorisation de l'individu et de la force du collectif, qui sont des valeurs se positionnant à l'encontre de celles prédominant dans notre époque individualiste. Les membres du groupe Percujam sont ainsi constamment dans le collectif et ne ressentent pas ce besoin d’exister contre les autres. "Ils sont juste dans leur implication artistique. Ils veulent mener à bien leur interprétation. Et je ne parle même pas du boulot des éducateurs qui est extraordinaire. Ils demandent constamment à chacun comment il va. Ils ont une patience infinie, ils sont tournés vers l’autre et sont, eux aussi, dans la bienveillance. Ils savent qu’ils forment un tout et que la réussite du groupe dépend de cela", explique le metteur en scène Alexandre Messina.