Sale temps à l'hôtel EL Royale est un film qui a de très nombreux atouts. Un scénario captivant, une réalisation inventive, un casting parfait et enfin, un humour à hurler de rire. Mais en plus de cela, malgré tout ce qui est montré à l'image, le film parvient à être subtile et à conserver suffisamment de sous texte pour qu'on se rende compte au final que ce qui est le plus choquant dans cette histoire est ce qu'on ne nous montre pas mais ce qu'on évoque, ce qu'on imagine.
L'histoire est simple. Janvier 1969. Alors que Richard Nixon entame son mandat comme 37e président des États-Unis, une nouvelle décennie se profile. À l’hôtel l’El Royale, un établissement autrefois luxueux désormais aussi fatigué que ses clients, sept âmes aussi perdues les unes que les autres débarquent. Cet hôtel a la particularité de se situer sur deux États, entre le Nevada et la Californie, simple détail mais source de situations intéressantes.
Chacun des clients de cet hôtel est caractérisé. Chacun a ses secrets, ses objectifs plus ou moins cachés, ses doutes, ses rêves, ses problèmes. Dans une narration éclatée, présentant chacun des protagonistes pour mieux ensuite les balancer dans le récit général, on découvre effaré des choses plus ahurissantes les unes que les autres sur leurs parcours respectifs. C'est ici que le film rappelle Tarantino, dans les flashbacks, l'inventivité du scénario et dans la créativité dans la création des personnages, dans le soin apporté à leurs personnalités. Cette histoire est juste impossible à prévoir. Même si on devine que le prêtre campé par Jeff Bridges peut cacher des choses. On se rend compte aussi que le réceptionniste du nom de Miles (Lewis Pullman) n'est pas net. Rapidement, on sent que toutes les apparences sont trompeuses et qu'on est dans un monde factice. Monde factice, rêve américain mutilé par la guerre du Vietnam qui est contemporaine. Perruque que l'on enlève. Vitres sans teint brisées. Espions démasqués. Confession salvatrice. Une fois que les illusions tombent, on se retrouve devant la vérité de ces personnages perdus, à l'état brut. Et cela offre des séquences jouissives.
Ainsi, ceux qu'on pense être des bourreaux deviennent des victimes. Ceux qu'on imagine être des héros sont en réalité quantité négligeable. Le scénario de Drew Goddard s'amuse à nous perdre. Mais sa manière de filmer ses personnages, elle, livre toujours la vérité. Comme par exemple l'arrivée à l'hôtel du personnage de Dakota Johnson, avec une caméra agitée, qui ne fait que représenter l'agitation de la Emily qu'elle campe. Ou le long plan séquence qui introduit les personnage de la chanteuse Darleene, joué par Cynthia Erivo. Ce plan montre la démarche peu assurée et un peu résignée de ce personnage, qui ne cessera de se confirmer par la suite.
Mais lorsqu'on ne croit en rien et qu'on ne sait pas forcément qui l'on est, on peut se retrouver très vulnérable. Un gourou de secte peut par exemple nous manipuler comme le fantastique personnage de Billy Lee joué par Chris Hemsworth dans un contremploi fabuleux, sensuel, barré. Mais pire que la secte, c'est aussi le gouvernement qui peut nous manipuler. Le choix de l'époque Nixon n'est pas anodin. Le choix d'évoquer le nom de J.Edgar Hoover, ancien président du FBI n'est absolument pas anodin, tant ces deux individus aimaient espionner les gens, surtout dans les endroits privés, comme les hôtels par exemple.
Ici, c'est une hypocrisie américaine qui est dénoncée. L'hypocrisie d'un conservatisme et d'un puritanisme qui empoisonnent la vie des gens alors que cette société pue le sexe sans l'assumer. Et ce film suinte de sexe mais sans jamais le montrer. Dans les ébats passés qui ont eu lieu dans ces chambres d'hôtel. Dans la tension qu'il peut exister au travers de certaines séquences. Dans les anecdotes racontées. Dans le casting de Dakota Johnson qui a chaque plan rappelle son rôle de la saga 50 Shades, et enfin, sur cette dénonciation subtile de la vie sexuelle débridée de JFK. Jamais explicitement abordées mais pourtant si intelligible. Oui en effet, parfois l'importance d'une personne s'analyse plus dans le souvenir qu'elle laisse que dans ses actes. Alors, malgré un sale temps sur un hôtel, au final, les apparences sont préservés car les petits secrets ne sont pas divulgués, tout reste utilement caché. Mais nous avons vu, nous !