Deuxième « tableau » du triptyque de James Gray, The Yards est une histoire tout aussi marquante que celle de Litlle Odessa, qui explore encore en profondeur le thème de la famille, mais en allant fouiller plus en amont : on passe des relations grand frère-petit frère autour qui étaient le pivot de Litlle Odessa à meilleurs potes, chacun ayant soit des liens de sang, soit des liaisons amoureuses et professionnelles. Léo est le nouveau « petit frère » de Litlle Odessa, celui qui prend soin de sa mère, qui ne veut pas être amené vers le « côté obscur » mais qui y sera confronté à cause de ses liens d'amitiés. Sauf qu'il est plus âgé, et avec cette évolution qui pour moi est, outre la reprise thématique, le fil reliant le plus concrètement Litlle Odessa à The Yards, il sera entouré d'enjeux plus sérieux qui peuvent prendre des proportions phénoménales. Cette fois, c'est le brave qui sera obligé à l'exil, et il ne le supportera pas. Alors qu'un job ramène Joshua à Little Odessa, c'est son amour pour sa mère qui ramène Léo au domicile familial. Assez dense et complexe, le scénario de The Yards gagne en fluidité et en intérêt qu'on lui porte tout en perdant la puissante lenteur solennelle de celui de Little Odessa. Les nombreux personnages se retiennent facilement : souvent, les acteurs jouent très bien, leur physionomie diffère et leur présentation est à chaque fois réalisée de manière très simple et très efficace. Seuls Mark Wahlberg se révèle peu convaincant, l'air aussi benêt et inexpressif que dans la Planète des Singes. En revanche, Phoenix (immense) et Theron (cent fois meilleure que dans l'Avocat du diable ou que dans le récent Prometheus)forment un duo mémorable. La mise en scène du film, d'une discrétion remarquable, les effets à but émotionnels sont presque inexistants, et ceci est bien la caractéristique majeure de cette série : l'émotion nous gagne doucement mais sûrement, il n'y a pas de final à proprement parler, il y a le dernier quart d'heure qui nous touche alors plus que tout le reste. Ici, la conclusion de James Gray est, sous la tristesse qui submerge cette fin, positive. Le repas en famille montre la force des liens familiaux : ceux qui n'ont pas trempé dans des affaires louches en s'attachant uniquement à la famille font les frais des actes de leurs proches, mais ensembles ils peuvent s'accrocher et se réconforter. Certes les derniers mots de Gray sont d'un optimisme un peu poussé, ils servent en réalité d'exemple à suivre. La musique d'Howard Shore renforce l'atmosphère du film par de longues notes toujours effectives sur le spectateur tout en étant très calme. A l'image de l'ensemble qui n'est doté d'aucune scène d'action, et d'un seul coup de feu, mais qui fonctionne parfaitement.
Un grand film d'une extrême délicatesse.