5 ans après son coup de maître (et son premier chef d’œuvre !), l'auteur de "Little Odessa" nous livre son second volet sur la Famille : "The yards" (2000).
Synopsis : New York, au cœur du Queens. Léo, libéré de prison, tente de se réinsérer socialement grâce à son oncle qui possède la grande compagnie des rails du métro du Queens. Mais c'est sans compter sur Willie qui exécute les tâches ingrates de l'oncle. Léo va dès lors se confronter à sa propre famille.
Toujours sur le thème des rapports familiaux entre individus, et incluant le monde de la pègre au milieu du métro, maître Gray continue ce qu'il avait amorcé sur "Little Odessa" : il nous prend dans le vif du sujet pour nous imprégner poisseusement de son univers. Et les rapports familiaux sont toujours aussi diablement bien écrit par lui et son compère Matt Reeves (le réalisateur de la suite du préquel "La planète des singes" avec Serkis, c'est lui !). Ainsi, le scénario, bien alambiqué dans les méandres des personnages et de l'histoire que nous conte Gray, fignolé et minutieusement préparé, alterne avec brio corps-à-corps, temps morts (l'attente de Léo), silences (non-dits), avancement de l'enquête policière... le tout filmé par les yeux de Léo. Au lieu que ce soit James qui nous raconte une histoire, c'est Léo qui nous donne sa version des faits. Mark Wahlberg (tout juste passé devant la caméra de Paul Thomas Anderson : "Boogie nights"), juste impressionnant dans ce rôle d'homme brisé par la vie, se fait ainsi l'alter-ego de Gray au travers de sa caméra. Maître Gray, toujours dans son autobiographie, radiographie ainsi l'univers de la pègre au travers de la composition magistrale de Wahlberg qui, via son personnage, nous invite à en découvrir tous les rouages.
Donc, pour parler casting, c'est toujours du haut niveau. Deux générations d'acteurs s'associent (la valeur sûre et la valeur montante), et ce, pour notre plus grand bonheur. Dans le rôle du patriarche (l'oncle qui veut aider sa famille à s'en sortir), James Caan assure un max, Faye Dunaway, Joaquin Phoenix, Ellen Burstyn, Charlize Theron et donc Mark Wahlberg apportent, grâce à leur interprétations ombrageuses et vivifiantes tout le tonus de "The yards". Des compositions dignement sobres et posées pour un film de gangster très bien maîtrisé ; Joaquin Phoenix, le futur Commodus de "Gladiator", incarnant ici un Willie peu commode, nous livre toutes les facettes de son talent : extra !! "The yards", maîtrisé par le casting donc.
En atteste une musique somptueusement mélancolique et ajoutant au récit la dimension d'un mal être au sein de la famille, dont la figure de proue ne vacille jamais à l'image de l'interprétation de James Caan (justement le fils de Brando dans "Le parrain"). Musique mirobolante donc d'Howard Shore (le compositeur de "Seven") qui dirige l'orchestre philharmonique de Londres, toujours supervisée par Dana Sano (music-maker fétiche du cinéaste). Du bon son, en somme. Merci Howard ! Surtout qu'il s'agit, musicalement, d'un New York... londonien. Réjouissant !!
"The yards" est également un film maîtrisé pour l'apport de James Gray à la technicité du métrage. Le travail sur la direction de la photographie par le regretté chef opérateur Harris Savides ("Zodiac", "American gangster") qui manie couleur/ombrage/visibilité avec telle parcimonie mérite tous mes chapeaux !! ; le montage d'une lenteur à couper au couteau ; et la mise en scène de Gray, toujours plus limpide, sont un modèle du genre.
Pour conclure, "The yards", polar noir urbain par excellence produit par les frères Weinstein, n'a pas l'envergure d'un "Little Odessa", mais possède bien la force d'un auteur-peintre contemporain bourré de talent à n'en pas douter. Rarement New York n'a été si bien filmé depuis l'époque Leone. C'est dire !
Spectateurs libérés de prison depuis peu, ne cherchez pas : James Caan... viendra à vous !
Accord parental souhaitable.