Le succès certain de La Nuit vous appartient bénéficiera-t-il à The Yards et à Little Odessa, les 2 premiers films merveilleux de James Gray? On l'espère, ô combien. Little Odessa est une tragédie familiale tellement parfaite qu'elle est à la fois la matrice des deux autres films, et assez différente parce que les ingrédients tragiques y sont non distillés. The Yards a pu sembler trop classique après ce premier coup de maître, mais c'est pourtant un film réussi à tous points de vue. Bien sûr, ceux qui ont voulu croire la bande-annonce ou la jaquette du dvd ont été déçus: ce n'est ni un film d'action, ni un film de mafia "scorsésien". Il serait plutôt coppolien, avec l'influence majeure d'Elia Kazan et de Luchino Visconti. Mais de toute façon, si Gray est sous influence, il est aussi un auteur à part entière, singulier, qui reprend des schémas mythiques et des archétypes, mais pour les rebattre de façon très personnelle, en leur donnant une forme qui est unifiée par son regard. The Yards est à cet égard le film esthétiquement le plus beau des trois. Les cadrages, les éclairages et les couleurs (travail génial du chef opérateur Harris Savides), tout est influencé par la peinture, mais pas pour figer le film, au contraire. Alliée à un travail sur le son d'une grande subtilité et à une musique magnifique de Howard Shore (encore meilleur que chez Cronenberg), la forme visuelle du film est là pour servir le récit et le développement des personnages, pas pour faire joli. Bref, c'est un film dont tous les éléments existaient avant lui, mais qui a réussi, comme tous les grandes oeuvres, à les fondre en un tout unifié par un regard. Jetez-vous sur ces deux films, Little Odessa et The Yards, si vous avez aimé La Nuit nous appartient et que vous ne les connaissez pas. Gray est bien une des grandes figures du cinéma américain d'aujourd'hui. Il a réussi à se remettre du grave échec financier de The Yards, espérons qu'il aura les mains libres pour réaliser des projets ambitieux.