La défense de la figure de la femme, une première chez Spielberg, est sans doute le point le plus fort de Pentagon papers. Incroyablement, après plus de quarante ans de carrière ce n'est que la troisième fois qu'une femme porte le poids d'un de ses films (les autres, Sugarland express et La couleur pourpre) Le texte de Liz Hannah rafraîchit le style académique du réalisateur. N'oublions pas qu'on parle de l'homme qui avait créé les blockbusters dans les années 70 avec Les dents de la mer. C'est à dire, l'art de Spielberg a influencé énormément le concept d’académisme, pas à l'envers.
La femme n'est plus un personnage plat. Pour une fois le réalisateur met en lumière une actrice de registre impeccable qui enrichît le développement de son personnage, personne d'autre que Meryl Streep. Dans le rôle de Kay Graham, propriétaire du Washington Post, elle joue une femme indécise et craintive qui doit face à l'élite machiste qui ne la permet jamais de s'exprimer au-delà des fêtes qu'elle donne chez elle. Le changement de mentalité de cette femme arrive sans que le film lui fasse des fausses éloges.
Parce qu'on ne parle pas d'une héroïne décidée et déterminée. Au contraire, le film ne cache pas que cette femme appartenait à une élite aisée qui se voyait renforcé par son amitié avec différents membres du gouvernement. Quand la liberté de presse est mise en danger, sa première inquietude n'est que les chiffres et son imminente sortie en bourse. La clé pour qu'elle soit du coté des droits fondamentaux n'est que strictement personnelle: la trahison de son ami, Robert Mcnamara, Sécrétaire de la Défense, qui aurait laissé le fils de cette dame partir au front même s'il savait que la guerre était perdue depuis longtemps.
Le courage de cette femme, ce moment où elle assume son pouvoir et elle tient les rênes de la situation, sort à la surface dans la scène la plus remarquable du film. Seule dans son bureau, on voit Meryl Streep collée au téléphone en pleine discussion de groupe. De l'autre coté de la ligne, les éditeurs et le cadre administratif. Au même temps que la femme essaie de faire le choix correcte, les plans des autres personnages défilent sur l'écran. On trouve chaque acteur seul dans un premier plan regardant le point où Meryl Streep fera apparition dans le plan suivant, changeant de position à mesure que la caméra survole la pièce par-dessus de sa tête. Spielberg transforme le manque d'action en dynamisme grâce à sa connaissance de la caméra.
Pour couronner le tout, la scène finît avec Streep en état de grâce, qui, en totale maîtrise de ses capacités, laisse que la réplique finale s'échappe en bégayant de ses lèvres "Faisons-le. Publions!" Une capacité pour réussir une performance qui ne devrait pas nous surprendre après plus d'une vingtaine de nominations aux Oscars. Pourtant, on reste bouche-bées quand on constate un tel contrôle des expressions et des gestes, a priori banales, comme fermer une porte pour retourner avec ses invités. Fermeté, courage, peur, conscience et même des indices de regret, tout ceci nous transmet Meryl Streep en cinq secondes, à peine, dès qu'elle raccroche le téléphone jusqu'à qu'elle sort du bureau.
Mais le personnage de Streep n'est pas la seule femme en lutte à être représentée dans le film. On a aussi les rôles secondaires et même les figurantes. Toutes font partie d'un sentiment de sororité présent dans le texte. Dans le premier acte, une scène qui a passé inaperçu montre Meryl Streep aux portes de la salle où elle se réunit avec ses actionnaires. Les épouses, qui attendent dehors, se tournent vers cette femme qui dirige le journal le plus important de la ville et elles lui ouvrent le passage, la regardant avec admiration. Une fois qu'elle traverse les portes, elle doit sinuer autour des hommes qui le tournent le dos et qu'à peine la regardent.
Un autre clin d’œil à la lutte des femmes est l'assistante de Meryl Streep, qui coupe le speech de sa patronne pour éviter que les hommes prennent par téléphone la décision qui ne correspond qu'à elle. On est surpris de voir Sarah Paulson réduite à un rôle de femme de foyer dans trois scènes jusqu'à que la surprise arrive.
C'est son personnage qui ouvrira les yeux à son mari, Tom Hanks, en ce qui concerne les obstacles auxquels une femme doit faire face dans le monde professionnel, peut importe sa classe sociale. Hors question d'attribuer à l'homme le rôle de sauveur dès un point de vue condescendant
. La scénariste se réaffirme dans ses convictions et la figure de la femme se crée dès la dignité.
La travailleuse du Tribunal qui va juger Meryl Streep la guide et elle profite pour lui montrer son respect avant de se faire engueuler pour son chef. Entre les manifestants aux portes du Tribunal, une chaîne de femmes, main sur la main, créent un passage pour la sortie de la femme convoquée en justice.
Le verdict du jury sera récité par une éditrice du journal qui l'entend au téléphone. Un speech tire-larmes à la façon Spielberg, toutefois, justifié. Pentagon papers n'était qu'un scénario rangé dans un tiroir jusqu'à la victoire de Trump, le déclencheur pour que Spielberg le rend prioritaire et pour qu'il fasse le film en trois mois. La prise de pouvoir de Trump, dans un climat d'intoxication et de fake news sont a l'opposée des principes des pères fondateurs du pays, comme le film nous le rappelle dans les phrases de l'éditrice qui transmet ce message de justice, rigueur et liberté de presse.
Pentagon papers est une rébellion de Spielberg contre Trump, un rappel des erreurs qui ont provoqué la chute des mégalomaniaques comme lui. Tout au long du film on attend les fichiers audio de Nixon et on ne voit que sa silhouette, de loin. Quelque chose de similaire à l’exercice que le réalisateur Steve Mcqueen avait fait avec les enregistrements de Margaret Thatcher dans Hunger.
On entend Nixon donner l'ordre de détruire le journal juste avant la dernier scène du film: L'agent de sécurité dans les bureaux Watergate qui appelle la police ayant découvert de cambrioleurs
. Le rideau tombe et c'est le message que le réalisateur envoie au président qui reste: Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. ///////////// Encore plus de fautes et d'erreurs sur hommecinema.blogspot.fr