Podalydès le réalisateur s'approprie "Bécassine", et en fait une "Bécassine !" - un point d'exclamation qui change beaucoup de choses..... Bien que stoppant le périple de son héroïne vers le Paris de ses rêves dès les premiers kilomètres (elle est à pied, et doit gagner au moins le prix de son billet de chemin de fer, pour rallier la capitale), et racontant son histoire sur place (la métairie de l'enfance, le château de la marquise de Grand-Air, le village des Quillouch et de l'oncle Corentin, la pension de Loulotte : tout cela est dans un périmètre limité, en pleine campagne), BP ne fait pas un récit "bretonnant" - déjà parce que Annaïck Labornez, dite Bécassine, n'a pas la parole embarrassée par une mauvaise connaissance du français (ses aventures en BD commencent en 1905...) devant sa caméra (mais est nettement illettrée...). Plus en apprentissage que seulement naïve, voire un peu sotte, comme chez l'originale (de Pinchon et Caumery), cette Bécassine campe un personnage positif, aussi fidèle qu'attachant, mais moins lisse que sans doute attendu. Le rôle-titre est tenu, non par une jeune fille à peine sortie de l'adolescence (les Bretonnes se plaçant en "condition" dans les familles bourgeoises parisiennes étaient en général très jeunes - et la Bécassine de la BD est une grande ado, au début de ses aventures, plutôt rondelette), mais par une quasi-quadra longiligne, Emeline Bayart, qui s'impose pour autant dans sa partie .... L'entourant, le reste du casting est également épatant, les deux frères Podalydès en tête, le comédien français et le cinéaste, en rivaux auprès de la marquise (Karin Viard), le premier en soupirant installé et un peu terne ("Adelbert Proey-Minans"), et le deuxième en saltimbanque séduisant autant que peu scrupuleux (le marionnettiste Rastaquoueros). Un film décalé (juste ce qu'il faut), impertinent et poétique - ne déparant pas la filmo antérieure de BP.
Qui peut se voir en famille : le jeune public s'y divertira au premier degré, avec un spectacle bien fait, inventif et sans vulgarité, et les adultes y goûteront satire et second degré..... Juste un petit regret : la fin, un peu hâtée.