Vaste campagne publicitaire pour, on le croirait, une nouvelle pièce formidable de la Comédie-Française, Bécassine ! ainsi cuisinée à la sauce moliéresque décadente ne donne, en bouche, qu’une impression de mélasse insipide où les emprunts se heurtent à la préciosité environnante. Dans un mépris total de son matériau d’origine, les Podalydès refusent toute l’âpreté de la bande-dessinée pour, en lieu et place, ne rapporter que le pittoresque d’une province bariolée comme jamais. Depuis la cambrousse, la tour Eiffel semble si loin. Constat réversible : depuis les hauteurs parisiennes de la doxa poudreuse, la réalité des terroirs paraît insondable. Du Finistère, il ne reste rien, ou si peu. Le costume d’une bécasse aux couleurs criardes. Bécasse qui, à l’heure du féminisme bon marché, voit sa naïveté et sa gaucherie censurées. Ainsi, notre héroïne passe d’un plan à l’autre sans influencer l’intrigue principale ; et le spectateur, ahuri devant un spectacle qu’il ne comprend pas, s’efforce de retrouver l’âme d’un personnage de papier qui, en prenant chair et os, s’est vidé de sa substance. On a vraiment l’impression d’assister aux tribulations d’une troupe qui ne connaîtrait que Molière et se montrerait incapable de jouer autre chose, au point d’ingurgiter la matière bretonne à des fins intellectuelles et sanitaires. Bécassine ! cru 2018 frotte, lave, décrasse son matériau pour n’en livrer qu’un produit aseptisé et vain. Voilà un film ancré dans un terroir et qui, néanmoins, ne sent rien, ni la terre, ni l’air salé. Et pitié : laissez tranquilles Max Richter et sa somptueuse recomposition des Quatre Saisons !