Premier ou second degré ? Oui, j’ai envie de m’amuser à interpréter ce film de deux façons. Evidemment cette comédie est à prendre avant tout au premier degré. A la manière de « calendar girls », le maire d’un petit village rural tente de convaincre ses habitants de se mettre nus pour illustrer un monde paysan en déshérence. Des paysans qui n’ont plus que la peau sur les os. On ne pouvait pas mieux illustrer plus physiquement le propos. Le récit se laisse regarder, il s’étire pour ménager un pseudo suspens : le maire parviendra-t-il à convaincre le plus de monde possible pour poser nu devant un photographe américain spécialisé dans ce concept ? J’ai de suite pensé à Spencer Tunick dont j’invite le lecteur à visualiser ses travaux. Impressionnants ! Le réalisateur Philippe Le Gay doit certainement faire référence à ce photographe. Peu importe, le film remplit sa mission : une comédie classique, aimable, à hauteur de marguerites. Ça ne veut rien dire comme expression, mais je vous assure que c’est gentil comparé à l’expression au ras des pâquerettes ! Même si j’ai décoché quelques sourires, cette comédie ne réserve aucune surprise. Par contre, si je prends le film au second degré, j’aurais tendance à dire « bien fait ! » tout en étant conscient que le sujet est beaucoup plus complexe. Voilà un monde paysan où on a tant promis, tant demandé et tant menti ! L’agriculture manipulée par l’Europe, la mondialisation. Les paysans ont investi puis se sont endettés. Une agriculture intensive qui produit énormément pour être gaspillée, manipulée par des industriels véreux qui contaminent la planète et nos assiettes. Les paysans qui ont compris ou qui ont eu le courage de revoir leurs positions, ceux qui ont la chance de ne pas avoir les mains et pieds liés par Mosanto, ont su se reconvertir dans le bio. Pas nécessairement dans le bio, dans une agriculture responsable. Rien ne sert de produire pour produire. On sait désormais que les agriculteurs peuvent s’en sortir en produisant moins pour favoriser la qualité. Même eux ne mangeraient pas ce qu’ils élèvent ! Tous ces produits dangereux, toutes ces bêtes élevées inutilement en grande quantité dans des camps de concentration industriels ne peuvent en aucune manière produire de la qualité. On sait depuis longtemps que nous risquons nos vies dans nos assiettes ! C’est ça le comble : nous risquons de mourrir en nous nourrissant ! Oui, notre agriculture peut nous tuer à petit feu. Il ne s’agit pas de ne plus manger de viande, il s’agit de réduire sa consommation, de produire juste ce qu’il faut ; arrêter de donner des antibiotiques aux cochons, par exemple, et de les retirer des soues où ils sont serrés comme des sardines, où les mères écrasent leurs petits par manque de place. Comme ces poules qui ne savent pas ce que sont le soleil et le vent. Qui n’ont jamais marché ! Philippe Le Gay survole très légèrement le problème par la bouche de Chloé (Pili Groyne) qui condamne cet élevage industriel et intensif. Impact qui touche les artisans bouchers. Lesquels sont les derniers de la chaîne en nous servant de la viande de mauvaise qualité, voire contaminée ou détournée. Alors, voilà pourquoi, je dis : « bien fait ! » même si je reconnais aussitôt que des agriculteurs ont été piégés. « Normandie Nue » est à voir au premier degré bien entendu, une comédie simplette, sans colère et déprime. J'y pense : si j'ai autant développé, est-ce à dire qu'implicitement le message de Philippe Le Gay est passé ?! Cela sous-entendrait que ce film est bien plus profond qu'il ne le laisse paraître... J'assume ma responsabilité : j'ai exagéré, pas le film... Malheureusement !