Le film de Lars Kraume sort dans les salles dans… un silence assourdissant ! Comme pour faire écho à son titre et à son sujet, personne ne parle de lui ou presque. Et pourtant, il mérite bien qu’on prenne deux heures pour aller voir en face ce qu’est le vrai courage, pas le courage des super héros masqués, ou des vociférateurs politiques, mais le courage silencieux de gamins de 18 ans piégés dans un pays qui se dirige tout droit vers une prison idéologique à ciel ouvert. Lars Kraume livre un film techniquement très conventionnel, la trame scénaristique est classique (découverte, action, conséquences), la photographie fait très « Berlin-Est » et j’imagine que c’est voulu, la musique est présente mais sans grand intérêt, d’’ailleurs on la remarque à peine. En fait, Kraume prend le parti d’un film sobre, presque austère comme les allemands savent le faire quand ils savent que le sujet qu’ils traitent est important. Pas d’esbroufe et un suspens maîtrisé, on peut juste discuter de sa scène finale, qui ressemble terriblement à une scène culte d’un film américain mondialement connu. On peut y voir une inspiration ou un hommage si on est optimiste, une resucée un peu vaine si on est pessimiste. Mais hormis ce petit bémol qui n’en est pas vraiment un, il n’y a pas grand-chose à redire au travail de Lars Kraume. Le casting est impeccable, qu’ils s’agissent des adolescents comme Léo Schreicher ou Tom Gramenz (avec une petite mention pour Jonas Dassler qui a un peut-être un tout petit peu plus difficile et intense comparé aux autres, et qui s’en sort comme un chef) ou des adultes. Max Hopp en père autoritaire et ultra politisé, Ronald Zehfeld en ouvrier sidérurgiste piégé par sa condition, ou encore Florian Lukas en proviseur dépassé par les évènements, tous sont excellents. Peu de femmes au casting, les rôles féminins sont peu nombreux et les personnages féminins sont soient des mères de familles silencieuses et soumises, soit des sbires du système soviétique, presque totalement asexuées. Ce déséquilibre est un peu gênant, mais on peut imaginer que c’est aussi cela, le contexte historique de 1956. C’est le scénario et sa subtilité qui font de « la Révolution Silencieuse » un très bon film, intelligent et au message fort. Même si on peu regretter quelques défauts (comme un triangle amoureux un peu inutile) ou trouver que le film tire un peu en longueur sur la fin, on est forcé d’assister à la démonstration parfaite de la perversité d’un système dictatorial sur les individus qu’il opprime. Le contexte, c’est Berlin-Est en 1956 mais ça pourrait se transposer dans l’Allemagne nazie, dans une dictature sud-américaine, dans la Chine de Mao ou l’Espagne de Franco, le film aurait la même puissance car les dictatures se ressemblent toutes dans leur méthodes pour opprimer, pour combattre le libre-arbitre, pour faire régner l’ordre idéologique par la terreur, par la manipulation et la menace. Ici, des gamins pas plus politisés que cela dans l’ensemble se sentent touchés par le sort d’un autre peuple, et comme ça fait écho à leur propre condition, il décident de marquer deux minutes de silence. Cela aurait du n’être qu’un micro évènement mais la machine va s’emballer, le système scolaire est-allemand comprend que sa jeunesse peut lui échapper, à cause des radios ouest-allemande et de leur « propagande », elles décident de faire de cette histoire un exemple. Menaces directes, manipulation, menaces sur les familles, les interrogatoires qui se succèdent n’auraient rien à envier à la défunte gestapo, et d’ailleurs c’est ce que fait remarquer en douce un des élèves. Dans une Allemagne mal dénazifiée, faire régner la terreur de cette façon est une tentation à laquelle le régime soviétique aurait eu tort de ne pas céder ! Jusqu’au dénouement, la solidarité du petit groupe est mise à rude épreuve et la tentation de dénoncer son copain pour sauver sa propre condition et celle de sa famille est évidemment une bouée de sauvetage à laquelle il faut beaucoup de courage pour renoncer. C’est ce courage silencieux qui est le vraie message du film, le courage, c’est parfois de se taire et de ne rien faire de ce que le « système » attend de toi. A une époque où les vociférations et la tentation de la violence sont à la mode dans les pays occidentaux, il serait peut-être de bon ton de s’accorder 2 heures pour aller voir à quoi ressemble le vrai courage, la vraie résistance au système. Le film a un autre intérêt, c’est qu’il aborde les relations père-fils de plusieurs façons. Dans un pays comme l’Allemagne en 1956, les relations père-fils sont forcément ultra compliquées, vu ce qu’à eu à affronter la génération précédente. Ici, l’amour paternel est mis à rude épreuve, que le père soit ultra politisé, que le père soit mort, que le père soit résigné au sort que la vie lui réserve. Il y a quelque chose de très fort dans ces scènes père-fils, et qui prend aux tripes même par moment. Malgré ces quelques petits défauts, « La Révolution du Silence » est un très bon plan cinéma, pour ceux qui en ont marre de voir des scénarii creux et formatés et des héros de pacotille qui gesticulent sur des fonds verts.