Il paraît que le renouveau du cinéma de genre français est là ! C'est bien mais on va juste espérer qu'il ne se trouve pas trop dans "Revenge"...
À vrai dire, pour être tout à fait honnête, tout dépend si vous choisissez de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide de ce "rape and revenge" made in France.
Première et plus belle qualité, "Revenge" est esthétiquement sublime. La réalisation par sa recherche du plus beau plan pour servir le propos, la photographie, la lumière, la plus-value apportée par les décors désertiques parfaitement utilisée, les idées visuelles tirées du côté très sanglant du film, la BO 80's (ça donne toujours un côté arty maintenant, c'est cool)... De mémoire, on n'avait pas vu un long-métrage français du genre aussi formellement maîtrisé depuis belle lurette. L'interprétation est aussi convaincante la majeure partie du temps (quelques fausses notes se font cependant sentir ici et là) avec mention spéciale évidente à Matilda Lutz. Ensuite, il faut reconnaître que le film dégage une réelle intensité pendant environ ses 45 premières minutes à laquelle il est bien difficile de ne pas succomber et ce, même si le propos ne dépasse pas la base de la base du "rape and revenge", cette tension reviendra quelques fois par la suite mais de manière trop hachée pour qu'elle puisse autant nous imprégner. Enfin, et on ne pourra pas enlever ça à "Revenge", le film y va fond dans la générosité des geysers de sang qui giclent à l'écran pour combler les aficionados de gore français qui étaient sans doute un peu en manque ces derniers temps.
Seulement, cette générosité ne va pas sans une certaine facilité... Notamment deux séquences d'extractions corporelles d'objets filmées longuement en gros plans qui ne donneront le sentiment d'être là que pour faire inscrire sur l'affiche du long-métrage : "Attention, film choc et radical !". Si cela avait été un torture-porn US quelconque à la "Saw", tout le monde aurait hurlé à la complaisance ridicule , sauf que là, on est dans une oeuvre française, on dira juste que c'est gonflé comme ça arrive rarement sur un grand écran. De même que les hectolitres de sang déversés partout, c'est rigolo, ça fait plein de jolis images (la séquence finale) mais quand la tension n'y est plus du tout, on oscille entre les soupirs et les baillements, un comble... Car, passé 45 minutes, "Revenge" aura beaucoup de mal à retrouver l'intensité de ces premiers instants (si l'on excepte les trois confrontations directes de la victime avec ses agresseurs) et va souvent vouloir nous faire avaler des tonneaux entiers de couleuvres pour gagner un peu de temps sur une finalité que l'on connait tous par avance. Entre la survie improbable de l'héroïne qui mériterait d'être étudiée dans toutes les écoles de médecine, des séquences de trips/rêves effroyablement gênantes et du symbolisme bien filmé mais aussi subtil qu'un spectacle de Jean-Marie Bigard complètement ivre, il sera bien difficile de ne pas éclater de rire devant de telles énormités (on vous met au défi devant l'image du phoenix !). Et puis, on nous a aussi surtout vendu un film très féministe. On peut comprendre que Coralie Fargeat filme par le prisme d'un regard libidineux d'homme le corps de Matilda Lutz durant les premières minutes pour appuyer sa vision et les actes horribles qui vont en découler, par contre, quand elle le fait aussi pendant la partie "revenge", quel est le sens à donner sinon d'utiliser un stéréotype qu'on entendait dénoncer plus tôt ? Dans le genre "discours qui se retourne contre son auteur", c'est plutôt fort.
Enfin, "Revenge" est long, horriblement long pour un propos aussi simpliste de "rape and revenge" (l'affrontement avec le dernier agresseur est in-ter-mi-na-ble !), le film aurait tellement gagné à être resserré sur 1h20, ça aurait pu lui permettre de supprimer pas mal de séquences qui lui font défaut...
Bref, si, pour vous, la renaissance du pur survival français passe surtout par un plan formel, vous serez sans doute comblés mais, si vous pensez qu'il y a beaucoup plus à améliorer, "Revenge" risque de vous laisser un goût de sang périmé en travers de la gorge.
À moitié plein ou à moitié vide, à vous de choisir...