Que penser de ce biopic de Marie Curie ? D’abord que sur le papier, c’est une bonne idée, même si j’avais déjà vu un film épatant sur ce sujet « Les Palmes de Monsieur Schutz », que je recommande au passage. Le personnage même de Marie Curie, femme libre, intelligente et orgueilleuse à une époque encore terriblement misogyne est un formidable personnage de cinéma. Mais fallait-il raconter sa vie de cette façon si scolaire, si didactique ? Je n’en suis pas certaine, cette femme libre et inventive aurait surement mérité un film plus solide que « Radioactive ». Qu’est ce qui cloche ? Pas la musique, discrète et sympathique, pas la reconstitution du début du XXème siècle, plutôt soignée, pas le casting non plus. Rosamund Pike, dont la ressemblance physique avec Marie Curie est plutôt convaincante, incarne une femme au caractère bien trempé, ce qui lui va parfaitement. Elle compose une Marie Curie entière, qui ne fait jamais de concessions, qui va au bout de son ambition et de ses convictions. Pas forcément ultra sympathique, la Marie Curie de Marjane Satrapi est une féministe pure et dure dans une époque, et dans un univers qui ostracise encore terriblement les femmes. On peut penser que c’est un personnage féminin de 1910 vu par une réalisatrice de 2020, c’est à dire qu’elle glisse dans son personnage principal une certaine conception moderne de ce que fut Marie Curie. Je ne connais pas assez la personnalité de la chercheuse pour savoir quoi penser de celle de Rosamund Pike, alors je lui laisse le bénéfice du doute. A ses côté, Sam Riley fait mieux que se défendre en Pierre Curie, plus sympathique que son épouse, très épris et surement un peu féministe aussi, à sa façon. Le souci avec « Radioactive », ce serait plutôt sa réalisation et les choix étranges qu’à fait Marjane Satrapi. Son récit est linéaire mais émaillé de flash back dont on ne saisit pas très bien l’intérêt mais surtout
de flash forwards tellement démonstratifs que cela finit par être contre productif. 1954 : les rayons soignent un petit garçon à Cleveland (= les rayons, c’est un progrès pour la science), 1945, « Little Boy » dévaste Hiroshima (= la bombe atomique c’est abominable), 1986, la centrale de Tchernobyl explose (= le nucléaire, c’est dangereux), était il réellement utile de nous expliquer cela de cette façon ? Quelqu’un l’ignore encore quelque part ? Quand à la fin du film les flash forwards se mêlent aux visions d’une Marie agonisante, on frise même le ridicule.
Et puis certains effets sont sans imagination (on s’embrasse devant des flammes pour symboliser la passion, quelle audace !), certains enchainement étranges, ils se veulent « artistiques », mais ils tombent à plat. Satrapi s’offre même quelques reconstitutions numériques pour illustrer façon « Les Experts » les travaux des Curie sur la pechblende. Je sais bien que sur un sujet scientifique aussi pointu, il faut être didactique (quand on n’est pas scientifique, comme moi, c’est toujours un peu obscur cette histoire de radioactivité) mais on peut être clair et pédagogue en étant moins démonstratif et plus original. Si le message de Satrapi c’est « la radioactivité c’est merveilleux mais les hommes ont su en faire le pire comme le meilleur », on peut dire qu’elle y est allé avec des gros sabots ! Le scénario se résume un peu aux deux axes : le féminisme et le l’usage du radium pour le meilleur mais surtout le pire, le tout vu rétrospectivement avec un regard de 2020, avec tout ce que cela suppose de raccourcis et de jugements de valeurs. Finalement, la partie que j’ai trouvé la plus intéressante (et malheureusement trop courte) est celle sur le rôle de Marie Curie pendant la guerre de 14-18, quand elle amena des machines à radiographier sur le front et fit faire un bond de géant à la médecine de guerre. C’est dommage que ce soit peut-être la partie la moins connue de sa vie, et paradoxalement une des seules où elle fera autre chose que de la recherche fondamentale. Sinon, le scénario montre bien l’ambiance de l’époque : misogyne, nationaliste (et antisémite) pudibonde aussi. Il faut dire que veuve, elle osera vivre une vie de femme en ayant une liaison avec un Paul Langevin marié, et qu’avoir un second prix Nobel dans cette ambiance de lynchage médiatique était un véritable exploit. En résumé, le biopic de Marjane Satrapi, s’il ne manque pas de qualités, est malgré tout un peu « mou du genou » devant une personnalité aussi forte que celle de Marie Curie. Elle qui fut pionnière en bien des domaines, brillante et orgueilleuse, entière et opiniâtre aurait mérité un biopic à sa mesure. Marjane Satrapi a fait de son mieux mais s’est laissé un peu écraser par son personnage principal. Au final, son long métrage est sympathique, parlera peut-être aux plus jeunes, c’est un bon moment de cinéma mais c’est malheureusement un film qui sera oublié assez vite. Marie Curie est immensément reconnue, presque 100 après sa mort, son grand biopic au cinéma reste à faire.