À la fin du XIXème siècle, la théorie de l'atome, son modèle conceptuel et le rôle de la radioactivité dans son appréhension sont les sujets qui fascinaient le plus une communauté scientifique mondiale dont Marie Curie aura été la seule femme à en faire partie. Une époque cruciale où la compétition faisait rage pour être celui qui allait faire une découverte majeure à propos de la structure de la matière. Il s'agit de "la belle époque" comme on la surnomme, celle des expositions universelles, celle où la tour Eiffel fût construite, celle où l'électricité commençait à faire son irruption dans les foyers. Celle néanmoins où la femme acceptait son rôle limité aux tâches familiales. Ouvrière dans les milieux pauvres ou bien femme au foyer et fière de l'être dans les milieux bourgeois, il n'était pas encore question d'émancipation. Tout ça il faut le savoir, car à aucun moment dans "Radioactive" l'on ne ressentira ce contexte tellement riche, mais tout aussi important afin de comprendre l'élan révolutionnaire initié par Maria Skłodowska dans la vision sociétale de la femme, à aucun moment d'éminents scientifiques tels que Becquerel, Einstein, ou Thomson n'auront fait la moindre petite irruption pour nous montrer la place de cette dame hors du commun dans le cercle très fermé des plus grandes têtes pensantes de la planète, à aucun moment ni la réalisation ni Rosamund Pike n'auront réussi à en faire un personnage à la fois prestigieux et attachant. Elle est plutôt égoïste, égocentrique voire arrogante bien que talentueuse. Elle coupe la parole à tout le monde, il n'y a que la sienne qui mérite d'être entendue, on devinera même qu'elle est autiste tant elle n'arrive ni à comprendre les émotions des autres, ni à gérer les siennes. Ceci sans parler de ses nombreux complexes dont une phobie des hôpitaux qui sort de je ne sais d'où. Voilà, la Marie Curie telle que dépeinte dans "Radioactive", présentée sous une façade sombre et peu vertueuse à son égard, un peu comme si les auteurs du film lui en voulaient d'avoir été française, ou bien comme si pour eux être exigeant et tenace ne pouvait que rimer avec être orgueilleux et antipathique. En parallèle avec son histoire, et au fur et à mesure des évènements clés de sa vie, l'on nous rappelle les conséquences désastreuses de ses remarquables découvertes, des missiles nucléaires aux cancers, en passant par le désastre de Tchernobyl, on nous dresse un bien triste bilan des corollaires de ses travaux, où la curiethérapie aura eu une présence anecdotique. Des scènes d’une profonde lourdeur viennent s'immiscer en plein récit historique, elles dévient du sujet en voulant nous questionner sur l'usage qu'a fait l'humanité de ces grandes découvertes, elles se veulent originales en entremêlant le présent dans le passé, mais gâchent l'ambiance générale et nuisent à la crédibilité du récit. D'un point de vue scientifique "Radioactive" refuse de nous expliquer les travaux du couple Curie, il se contente de nous passer en accéléré des images d’eux en train de manipuler des fioles, en train de broyer des minerais sans signaler qu'il s'agissait de tonnes entières nécessaires pour en extraire moins d'une dizaine de grammes utiles, et abrège le tout en nous les montrant heureux d'annoncer leur découverte du radium et du polonium. Il ne fait pas le lien avec d'autres travaux en parallèle, il ne nous démontre pas et ne nous informe pas plus que ça sur ses retombées, il se désintéresse en fait totalement des aspects scientifiques, il évite de s'y approfondir car il ne les maîtrise pas. À quoi bon regarder un film sur Marie Curie si ce n'est pour comprendre ses travaux et visualiser ses conséquences à son époque ? Pire que ça, il est truffé d'inexactitudes importantes et d'erreurs historiques et scientifiques. Par exemple on nous montre Pierre Curie présenter des usages grand public du radium (avec une mise en scène horrible au passage) tenant entre les mains des produits qui ne sont apparus que des dizaines d'années après...sa propre mort, ou bien les effets nocifs de la radioactivité avérés selon le film, causant même une haine populaire contre la scientifique, alors qu'en vrai on n'en savait absolument rien à l'époque, ou enfin le prix Nobel duquel Becquerel a été complètement ignoré. J'ai gardé pour la fin le grossier mensonge historique inventé de toutes pièces rien que pour rester dans la lignée de la femme antisociale et insensible qu'est supposée être Marie Curie : Ce n'est qu'à la suite de l'intervention d'Irène, sa fille, qui mobilise devant elle des blessés de guerre mutilés puis l'implore avec insistance d'intervenir, qu'elle accepte d'oeuvrer à soigner les soldats. C'est dire à quel point on ne l'aime pas ! On veut aussi insinuer les prémices du féminisme en évoquant même le mot qui n'existait pourtant pas à cette époque. La manière a été très maladroite, ni la place de la femme dans cette société machiste n'a été correctement d'abord dépeinte, ni la particularité de Mare Curie qui sort de ce lot n'a été mise en évidence, ni l'élan qu'elle a créé n'a su être exploité. On nous montre simplement une scène où des femmes osent se lever pour l'applaudir, un geste insignifiant (avec une mise en scène horrible au passage) alors qu'elle avait déjà acquis sa notoriété. Au lieu de nous raconter les fabuleuses anecdotes autour de la découverte de la radioactivité, de mettre à l'honneur les prix Nobels derrière cette avancée majeure, "Radioactive" se perds dans les points de vue trop nombreux qu'il a eu l'ambition de nous dresser, parfois superflus, parfois inappropriés et parfois ingrats. Comme pour nous montrer qu'elle assume ses mauvais goûts, la réalisation s'amuse à nous glisser du vert, couleur symbolique de la radioactivité, un peu partout dès qu'elle le peut. Une lumière verte par-ci, une image teintée en vert par-là, du papier peint vert qui orne les murs, ou sinon une peinture, des carrelages, ça va même jusqu'aux habits, c'est tellement cliché et ridicule ! "Radioactive" n'est pas fait pour nous cultiver sur un sujet pourtant fascinant, loin de là. Non seulement il ne va nous enrichir à aucun niveau mais il va en plus nous polluer avec de vastes déchets de faits historiques erronés, n'ayant ainsi rayonné ni par son point de vue sur l'illustre Marie Curie odieusement présentée comme une femme instable, ni par sa réalisation aux effets extrêmement mal maîtrisés.