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    L'Ombre de Staline
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    lhomme-grenouille
    lhomme-grenouille

    3 362 abonnés 3 170 critiques Suivre son activité

    2,0
    Publiée le 9 juillet 2020
    Des porcs qui s’entassent.
    Une cahute délabrée au milieu d’un champ prospère.
    Et enfin un écrivain amorçant son essai, nous expliquant ô combien l’histoire qu’il va nous narrer à ce petit quelque-chose de choquant et d’inimaginable.
    Voilà comment commence cette « Ombre de Staline ».

    Quelques premières images plutôt élégantes à défaut d’être inventives certes, mais surtout une écriture très explicite et un brin sensationnaliste qui m’a tout de suite fait grimacer.
    Quand dès les premiers mots une œuvre trahit son intention de ne laisser aucune place à l’interprétation et au sous-entendu, moi j’ai tendance à considérer que ça n’augure rien de bon.

    Et malheureusement dès la scène suivante la confirmation explose pleine face.
    D’un côté le personnage du jeune et brillant Gareth Jones expliquant à son gouvernement qu’Hitler est un danger pour l’Europe et qu’une nouvelle guerre se prépare. De l’autre un rire unanime et méprisant accompagné de quelques « mais non qu’est-ce que vous racontez… Hitler faire la guerre ? Quelle absurdité ! Nous sommes si sûrs de nous ! Ho ! Ho ! »
    A partir de là ce film vient de dévoiler tout son jeu sur la table.
    Voilà à quelle sauce on va être mangé. Un gentil qui a raison face à des méchants qui ont tort. Pas de détails. Pas d’ambivalence. « L’ombre de Staline » ne sera que l’ombre d’une approche réflexive et subtile sur la période.
    « L’ombre de Staline » ne questionnera pas.
    « L’ombre de Staline » ne mettra rien en balance.
    « L’ombre de Staline » n’appellera pas à penser.

    Alors entendons-nous bien, la réflexion n’est pas pour moi une obligation au cinéma, même dans les reconstitutions historiques. Par exemple je suis particulièrement friand du « Patient anglais » ou bien d’ « Australia » alors qu’aucun de ces deux films n’a la prétention de nous faire comprendre quoi que ce soit sur la période abordée.
    Seulement voilà, c’est là tout ce qui sépare cette « Ombre de Staline » de ces deux exemples sus-cités : la prétention.

    …Car ce film entend bien nous faire la leçon.
    Il est construit comme la révélation d’un pot aux roses ; d’une vérité que personne n’a voulu voir. « L’Ombre de Staline » a une morale. Il défend une cause. Il distribue les bons et les mauvais points parmi les acteurs – bien réels – de la politique et du journalisme d’hier.
    Et pourtant, malgré la prétention de la démarche, ce film fait le choix d’une approche presque infantilisante. Je trouve par exemple assez saisissant que toute la première partie entende essentiellement se reposer sur un effet de mystère qui a trait à l’URSS stalinienne. A Londres on s’interroge sur les moyens dont dispose Staline pour investir autant en pleine crise. A Moscou on comprend que tout se joue en Ukraine mais que le secret y est remarquablement gardé. En somme on se retrouve toute une heure à faire monter la sauce sur ce grand mystère que toute personne qui a un vague souvenir de ses cours de 3e aura vite percé.

    Et pour le coup j’avoue que ça me sidère un peu qu’un scénario puisse faire à ce point le pari de l’inculture de son public, surtout quand la prétention historique et mémorielle du film est aussi évidente.
    D’ailleurs, au-delà même de l’inculture, il y aurait presque un pari sur la bêtise.
    Car au fond le vrai problème de ce film ce n’est pas qu’on ne pense pas mais surtout qu’on ne veuille pas penser.
    Toute l’intrigue n’est en définitive construite que sur des effets d’esbroufe. Et là où la première partie entendait se bâtir sur un suspense totalement inopportun, la seconde se replie quand-à-elle sur de l’émotion bien convenue.
    Il s’agit simplement d’illustrer, d’indigner et de condamner, mais jamais d’expliquer, d’explorer ou – mieux encore – de rendre sensible.

    Car c’est aussi lors de cette seconde partie que cette « Ombre de Staline » révèle également toutes ses limites de forme.
    Et là encore la forme infantilise tant elle évite de vraiment traiter avec sens son sujet.
    Parce que parti a bien été pris de montrer l’Holodomor. Et longuement en plus.
    Seulement voilà pour nous en offrir quoi ?
    Des démonstrations régulières pour bien marteler le fait que les gens ont faim.
    Une gradation régulière dans l’horreur et l’inimaginable… Mais sans jamais l’incarner.
    Il n’a pas de sang dans l’Holodomor de « l’Ombre de Staline ». Pas vraiment de texture non plus. Les corps ne sont pas marqués. La violence presque invisible.
    Voir l’Ukraine dans ce film c’est nous rendre irrémédiablement orphelin de « Requiem pour un Massacre » d’Elem Klimov ; le souvenir du second rendant encore plus patent les limites du premier.
    L’ Holodomor à travers la caméra d’Agnieszka Holland a des faux airs de parc d’attractions.
    A croire qu’aussi bien dans le fond que dans la forme, on ne soit pour ce film jamais rien de plus et rien de moins que des enfants.

    Et franchement c’est dommage…
    C’est dommage parce que, bien que dénuée de toute audace, la réalisation parvient souvent à poser des décors et des atmosphères.
    C’est dommage parce que cette virée en plein arrière-pays soviétique aurait pu être l’opportunité d’une vraie plongée en enfer dans un monde riche de sens et de sensation.
    C’est dommage enfin parce que s’il avait fait le choix de l’expérience plutôt que de l’académisme, ce film aurait pu être une vraie proposition de cinéma.
    C’est même d’ailleurs pour toutes ces possibilités qu’il offre et qu’il laisse parfois entrevoir que je n’arrive pas totalement à la rejeter, cette « Ombre de Staline ».
    spoiler: (Cette seule scène où on voit Gareth être encerclé de gamins cannibales m’a d’ailleurs suffi pour considérer mon déplacement comme n’étant pas totalement inutile.)


    Malgré tout, le résultat reste là.
    Et d’une certaine manière c’est la conclusion de ce film qui rappelle à quel point le poids de ces choix calamiteux pèse dans la balance.
    Car face à une dénonciation finale aussi grossière, passablement erronée et surtout aussi grotesque, il est difficile d’arriver à sauver l’ensemble.
    Réduire les enjeux diplomatiques de « l’avant-guerre » à de banales préoccupations commerciales, c’est franchement contestable.
    Conclure sur un échange Jones / Orwell aux accents terriblement conservateurs où tout espoir d’utopie ou de réforme est rendu caduc, ça aussi c’est particulièrement contestable pour ne pas dire intellectuellement malhonnête.
    Et puis fermer le film en montrant bien à quel point le monde brime les gentils et récompense les méchants – le tout en se présentant comme le digne continuateur de la « Ferme des animaux » d’Orwell – là encore c’est quand même aller très loin dans le burinage moralisateur.

    Mais bon, que voulez-vous…
    L’air du temps est à ça en ce moment.
    L’académisme d’ailleurs a toujours été aussi à ça.
    A remplacer la réflexion par l’émotion.
    A troquer la compréhension par la morale.
    A réduire la politique à l’indignation.
    Alors peut-être qu’à Moscou les oies fidèles se sentiront rassasiées, mais pour d’autres comme moi, ce cinéma là, ça a quand-même un arrière-goût de disette…
    flo
    flo

    4 abonnés 3 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 7 juillet 2020
    Très beau film avec de très belles images. Malgré la dureté, on ne tombe jamais dans le pathos, et c'est admirablement filmé.
    Domnique T
    Domnique T

    69 abonnés 241 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 6 juillet 2020
    Quand, comme moi, on a oublié l'épisode désastreux de l'holodomor, cette histoire vraie donne le frisson. A l'heure des fake-news, du dénigrement des lanceurs d'alerte, ce récit historique s'inscrit parfaitement dans notre actualité. La véracité du propos est parfaitement servie par une reconstitution minutieuse des années 30. Bien sûr, l'acmé réside dans l'épisode hivernal ukrainien ... (que j'ai trouvé un peu long) avec du vrai froid et de la vraie neige . Cela ajoute au coté glaçant de cet épisode tragique. Une histoire hallucinante sur la difficulté d'avoir raison contre tout le monde, sur la suffisance des élites politiques, l’objectivité supposée de la presse, sur la propagande et la contre-propagande ...
    velocio
    velocio

    1 325 abonnés 3 167 critiques Suivre son activité

    1,5
    Publiée le 6 juillet 2020
    Des amis qui étaient allés voir ce film lui avaient trouvé de l'intérêt malgré une réalisation qu'ils qualifiaient de trop classique, voire académique. Un avis que je ne partage pas du tout, au point, même, d'avoir regretté assez souvent qu'il ne soit pas davantage classique, voire académique. Personnellement, je qualifierais plutôt ce film de ratage presque complet (Il y a, par moment, des scènes réussies) et je pose la question : comment peut-on arriver à faire un film aussi ennuyeux sur un sujet aussi fort. Pourquoi opter pour une réalisation aussi léni(ne)fiante ? (J'ai honte de ce jeu de mot, mais, après tout ... !). On a de gros regrets quand on pense à ce que Sergei Loznitsa aurait fait d'un tel sujet !!! Pour terminer, un tout petit détail : on est en 1933, en URSS, et on voit passer une Citroën traction avant, un véhicule dont la construction a commencé en 1934 !
    garnierix
    garnierix

    238 abonnés 462 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 6 juillet 2020
    "L’ombre de Staline" (titre original "Mr Jones") est un film sombre et brillant à la fois. Sublime et désespérant. Un régal. Excellence de la réalisation (Agnieszka Holland), plus excellence des acteurs : ses deux points forts ? Pas de point faible, semble-t-il, si ce n’est quelques hypothèses dans l’histoire (so what ?!), et le fait que le film semble avoir du mal à faire son chemin à cause du contexte actuel (confinement). Mister Jones est un lanceur d’alerte britannique du temps où deux monstres surgissaient dans les années 1930 (Hitler et Staline). Mr Jones est pourtant un éteignoir ("rather dull"), comme le lui reproche l’ex-prix Pulitzer Duranty, "bien installé" à Moscou. Rien de James Bond. Tout-à-fait dans les cordes du pasteur de la série Grantchester (James Norton). Il aime ainsi évoquer un ancien mythe gallois, "le Combat des Arbres" (The Battle of the Trees), où un mage transforme les arbres en guerriers après que "le vol d’un chien, d’un vanneau et d’un chevreuil" ait provoqué une guerre. Un poète. C’est pourtant ce Mr Jones (qui ne fera pas long feu dans la réalité historique), qui fait la couverture de l'Holodomor (la grande famine ukrainienne des années 30). La faim est littéralement filmée. On voit les recours dramatiques qu’elle crée chez les gens. On entend mâcher. Le film devient alors quasiment noir et blanc, alors que peu avant, les lumières éclairaient les écarts orgiaques d’un monde désinvolte, voire collabo, Duranty en tête, où l’on entend dire : que signifie "dérangé" dans un monde "dérangé" ? Lumières d’époque, lumières de circonstances, justesse des dialogues, perfection de l’anglais, choc des images : une réalisation extrêmement soignée, disions-nous. Et sur le fond, cela donne tellement à réfléchir. Sur le fond, il n’est même pas imaginable aujourd’hui, qu’un journaliste aille aussi loin pour rapporter les faits, que les faits –la vérité. La cerise que le gâteau, pour certains, ce sera de voir l’auteur de "1984" (Orwell), qu’on rencontre ici et là, tisser la trame du drame alors qu’il a l’idée d’écrire son fameux livre "La ferme des animaux". A.G.
    Nathalie Étienne
    Nathalie Étienne

    2 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 6 juillet 2020
    Une histoire méconnue. Une belle image qui dégage une ambiance, des jeux d'acteurs sans faute, un bon film.
    marilyne_fgeek
    marilyne_fgeek

    28 abonnés 10 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 6 juillet 2020
    Le fait que le film raconte cette période de l'histoire sovietique méconnue des européens est très bien ! Certains plans sont parfois un peu arty et longs mais le film reste néanmoins passionnant.
    alloGreg
    alloGreg

    2 abonnés 39 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 5 juillet 2020
    Terrible film sur le communisme. Son espoir illusoire, son échec et l'horreur qui en découle. Seul un état fort et solide peut s'autoriser le luxe de le combattre. En 1933, ce n'était ni le cas de l'Angleterre, ni de l'Amérique sous un démocrate Roosevelt.
    anonyme
    Un visiteur
    2,5
    Publiée le 7 juillet 2020
    Est-il nécessaire de charger le radeau du communisme soviétique ? Sans doute pas vraiment. Nous savons désormais ce qui s'est passé sous la férule de Staline. Seuls quelques nostalgiques d'une époque où l'aveuglement régnait sur les esprits persistent dans leur déni, mais eux sont définitivement frappés d'une cécité probablement incurable.

    Le titre du film, L'ombre de Staline parle de lui-même et il rend plus lisible les récents évènements qui ont meurtri l'Ukraine. Il y a une continuité entre l'action entreprise par Staline dans les années 30 du siècle dernier et celle menée par Poutine en Crimée et dans le Donbass.

    Le Holodomor, c'est à dire l'extermination volontaire par la faim d'une partie de la population ukrainienne avait permis à Staline et à ses séides de se débarrasser des paysans de l'Ukraine qui s'opposaient à la politique de collectivisation de l'agriculture. L'accaparement des productions agricoles devait permettre de nourrir les hommes déplacés massivement dans les centre urbains pour développer l' industrialisation dans le cadre du premier plan quinquennal. En s'affranchissant des lois du marché et en agissant par réquisition et par le seul fait du...prince. D'une pierre deux coups en quelque sorte, au prix d'une tromperie et d'un mensonge qui attribuaient aux aléas climatiques les famines de 1931 à 1933 qui ont résulté de cette politique.

    Ce préambule s'avère nécessaire pour appréhender pleinement le film. Sans contextualisation historique, il ne serait qu'une nouvelle tentative de relater un crime commis au nom d'une promesse de bien-être des peuples non tenue. La simple évocation du nom du dictateur soviétique conduit aujourd'hui inévitablement à la version soviétique du point Godwin. Les morts de la famine dans le Dombas étaient principalement des paysans ukrainiens et le déficit démographique qui en est résulté a été compensé par un peuplement russe. Ce qui explique cette importante population russophone sur laquelle Poutine s'appuie aujourd'hui pour démanteler l'Ukraine.

    Le fil conducteur du film est le travail d'investigation du journaliste gallois Gareth Jones qui se rend à Moscou en 1933 espérant interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique censé être le fruit du premier plan quinquennal. Cantonnés dans un hôtel de luxe à Moscou avec interdiction de s'en éloigner et sous la surveillance étroite de la police politique soviétique, les représentants de la presse occidentale y mènent une vie confortable et relaient avec docilité la propagande officielle du régime.

    Gareth Jones réussit à se soustraire à la surveillance du NKVD et reprend l'enquête qu'un confrère, mystérieusement disparu, avait entrepris avant lui. Ce qu'il va découvrir dans les campagnes d'Ukraine lève le voile sur le miracle soviétique et la réalité de la politique menée : les récoltes sont bonnes mais les ukrainiens meurent de faim et en sont réduits à manger l'écorce des arbres et même à avoir recours au cannibalisme dans certains cas.

    Walter Duranty, correspondant de plusieurs journaux américains, publie un démenti dans le New York Times en attribuant le taux de mortalité très élevé à des maladies liées à la malnutrition, conséquence de ruptures d'approvisionnement : « Les russes ont faim, certes, mais ils ne sont pas affamés ».

    Gareth Jones est un homme encombrant, qui ne se contente pas, comme ses collègues des plaisirs du caviar, de la vodka et de la compagnie des jeunes femmes russes peu farouches et au physique agréable que le NKVD met à leur disposition. Il est non seulement un gêneur pour Staline mais également pour ceux qui, hors de l'URSS, pour une raison ou une autre, ne souhaitent pas que la vérité éclate au grand jour.

    Agniesszka Holland, la réalisatrice du film, nous propose un film qu'elle veut historique. Il n'est pas sûr qu'elle ait atteint son objectif car ce qu'elle relate ou plutôt le mode narratif qu'elle a choisi rend le contenu peu compréhensible à celui qui manque de références historiques. Les insertions répétés d'extraits de la Ferme des animaux , fable critique du stalinisme que George Orwel publie en 1945 ne contribue pas vraiment à clarifier le propos et apparaissent comme autant de redondances qui alourdissent l'ensemble.

    Dans une note d'intention la réalisatrice nous offre une interprétation de l'inertie des grandes démocraties devant l'Holodomor comme devant l'Holocauste en parlant d'un « Occident politiquement et moralement corrompu » et qui de ce fait a étouffé la vérité. Je ne partage pas cette analyse. Il est un fait que la raison d'Etat et un réalisme politique parfois déplorable régit les relations entre Etats. Nous imaginons difficilement un monde où chacun interviendrait, y compris militairement, dans les affaires intérieures de ses voisins. La question qui se trouve posée sans cesse est cependant bien de savoir par quels moyens et quelles institutions les voix de la raison peuvent se faire entendre. Ce n'est certainement pas en affaiblissant les institutions internationales et en faisant fi de leurs résolutions et recommandations que d'autres tragédies seront évitées.
    Chris58640
    Chris58640

    218 abonnés 762 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 5 juillet 2020
    Le film de la cinéaste Agnieszka Holland est la bonne surprise du moment. Alors c’est sur, ce n’est pas forcément un film très facile d’accès, le sujet traité est horriblement lourd et (peut-être) encore polémique, certains passages sont difficilement soutenables, le film est parfois un peu austère, voire même un peu nébuleux mais quand même, c’est une belle leçon d’histoire et de journalisme qu’elle propose. Long de deux heures, son film est en trois parties, la partie du milieu, le fameux voyage en Ukraine étant de loin le plus court et le plus fort. Holland s’essaie à quelques effets un peu audacieux, elle utilise le son notamment de façon intéressante, à plusieurs reprises des scènes muettes s’étirent, seulement rythmée par un bruit de fond mécanique (une pendule, un bruit de mastication, le bruit de rails d’un train). En faisant durer ces scènes un tout petit peu au-delà du nécessaire, elle distille une ambiance, celle du silence, du secret, du non-dit qui sont omniprésents en Union Soviétique. Sa musique est intéressante aussi, bien utilisée (même si parfois elle est un peu forte), elle utilise le flou, joue un peu avec sa caméra, tente des passages à l’épaule comme reporter de guerre, tout cela est pertinent et tombe souvent juste. « L’Ombre de Staline » peut paraitre un peu long sur la fin, surtout que je ne m’attendais pas à ce que la partie « après l’Ukraine » soit si développée. Mais si le passage ukrainien est le plus fort, toute la dernière partie est la plus instructive, historiquement parlant. En bref, dans sa forme le film d’Agnieszka Holland est réussi. Il doit aussi beaucoup son casting et à James Norton, qui compose un Gareth Jones très sobre, sérieux et dont les failles ne sont jamais occultées ou cachées. Vanessa Kirby et surtout Peter Sarsgaard incarnent de seconds rôles qu’on aurait peut-être aimés plus ou mieux développés, celui de Walter Duranty notamment. Ce correspondant du NY Times à Moscou, dont on ne saura jamais très bien quel but il poursuit, quelle conception étrange du journalise est la sienne, on manque de clef pour bien le cerner, et il restera un peu énigmatique jusqu’à la fin. Le scénario de « L’Ombre de Staline » est à la fois une ode au journalisme d’investigation et un éclairage sur le secret de mieux gardé (et très longtemps occulté, nié) de l’URSS : l’Holodomor. Gareth Jones est un journaliste au statut un peu étrange, il travaillait pour le Foreign Office Britannique, ce qui est un mélange des genres tout à fait bizarre et pour tout dire, assez malsain. Ce double statut de journaliste et diplomate lui permet de mette un pied à Moscou sans qu’on lui permette de loger ailleurs que dans un Hôtel désigné, sans qu’on lui permette de quitter la ville, et avec des agents le suivant partout de façon ostentatoire, histoire qu’il sache très bien où il ne doit pas mettre les pieds. Et pourtant, il réussi à arriver jusqu’en Ukraine, à fausser compagnie aux autorités pour aller voir lui-même ce qui se trame dans le grenier à blé de Staline. Revenu difficilement de son périple, il se heurte aux autorités de l’URSS, ce qui est logique, spoiler: mais aussi à la cécité du monde occidental, et ça c’est historiquement intéressant et très bien vu
    . Quoi qu’on en dise, les occidentaux sentent déjà qu’ils vont avoir besoin de l’URSS dans la décennie qui commence, et même s’ils sous-estiment gravement le danger nazi, ils ne veulent pas se rajouter un ennemi en la personne de Staline, pas à ce moment là de l’Histoire. Et puis il y a les sympathisants communistes de l’Ouest, qui ne peuvent pas (et qui ne veulent pas) admettre que leur idéologie est mort-née, que leur modèle est sans espoir. En réalité, ce que le film de Holland nous apprend, c’est qu’il ne sert rien d’avoir raison trop tôt : Gareth Jones à juste 40 ans d’avance sur ce que le Monde est prêt à entendre. La Vérité, puisque ce mot est prononcé plusieurs fois tel un mantra par Jones, est aussi une question de timing, certaines sont audibles un jour, inaudibles le lendemain et inversement. C’est une réflexion intéressante à faire, pour tous les journalistes et les apprentis journalistes du XXIème siècle. Le film d’Agnieszka Holland met des images sur l’Holodomor, ce qui a rarement, je crois, été fait au cinéma. Qu’est ce que c’est ? C’est plusieurs millions de morts de faim dans une région fertile, au cœur de l’Europe, en plein XXème siècle. Tout le blé ukrainien était envoyé hors d’Ukraine, c’est cela l’Or de Staline. C’est quoi mourir de faim ? Le film n’a pas besoin de s’appesantir trop longtemps pour bien le faire comprendre, c’est manger de l’écorce quand il n’y a plus d’épluchures ou d’animaux, c’est manger de la terre, c’est balancer vivants dans les fosses communes les enfants qu’on ne pourra nourrir, et même parfois faire bien pire que cela. Comment cette vérité là aurait-elle pu être entendue en 1933, au sein d’un pays qui se voulait un puit d’espérance ? Gareth Jones a vu (il a même subit la faim), mais ce qu’il avait vu, personne ne voulait le voir, l’entendre, le savoir ou même juste se le figurer. « L’Ombre de Staline » n’est sans doute pas le block buster de l’été, et parfois il peut paraitre un peu nébuleux, un peu incomplet, un peu frustrant sur tel ou tel personnage, mais pris dans son ensemble, c’est un film fort, très fort, et qui mérite franchement le déplacement.
    Maritro
    Maritro

    5 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 5 juillet 2020
    Magnifique film, certes long, se déployant en trois parties. Le jeu d'acteurs est fin et émouvant, les acteurs sont beaux (cela ne gâche rien), le travail sur les décors, les paysages, les lumières remarquable. Surtout, la documentation historique est fouillée (voir ce qu'en dit l'historien Nicolas Woerth, spécialiste de l'histoire soviétique) et permet de mettre en lumière une tragédie encore trop méconnue qu'est l'Holodomor. Quelques scènes sont difficiles, mais l'esthétique générale permet de traiter le sujet sans sombrer du tout dans l'insoutenable.
    20centP
    20centP

    18 abonnés 235 critiques Suivre son activité

    1,5
    Publiée le 5 juillet 2020
    Les pires heures du régime stalinien, moins souvent présentées au cinéma que l'horreur nazie, aurait mérité un bien meilleur traitement. Le film étire dans de longues scènes vaines une histoire qui aurait mérité d'être plus nourrie. La Grande Bretagne apparaît ici comme la seule nation qui aurait fermé les yeux sur la famine de la population alors que bien d'autres régimes européens ou américains n'ont pas fait mieux. Le parallèle avec le roman de Georges Orwell est doublement une mauvaise idée : trop appuyé à l'écran, on ne peut que penser à quel point il vaut mieux relire La ferme des animaux que subir ce téléfilm historique. Dommage, le sujet méritait vraiment un meilleur traitement !
    Ishka
    Ishka

    3 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 4 juillet 2020
    j'ai vu ce film,qui m'a beaucoup impressionné. Ou comment peut on cacher la vérité sur les conditions de vie d'un peuple ,au monde extérieur.Un journaliste Irlandais en a payé de sa personne,puisque celui ci a été exécuté,par les sbires du petit père des peuples.
    Très bonne realisation et belle interprétation des acteurs.
    ANDRÉ T.
    ANDRÉ T.

    83 abonnés 484 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 4 juillet 2020
    Ceux de ma génération sont si habitués à avoir entendu ou vu, les horreurs de l’Holocauste et des camps (Auschwitz, Dachau, Birkenau, etc) que nous aurions pu « oublier » d’autres horreurs, quelques années plus tôt !!!

    Agnieszka Holland nous passionne avec les aventures de Gareth Jones, diplomate et journaliste qui nous entraîne avec lui, dans son enquête sur le « miracle russe » de Staline….
    Comme lui, on n’en croit pas nos yeux, devant le spectacle de la famine en Ukraine.
    À son retour en Grande-Bretagne, il découvre avec stupéfaction, que toute vérité n’est pas bonne à dire…
    Cette page d’histoire se suit comme un livre d’aventures….au point d'être dérangeante.....
    Romain1607
    Romain1607

    1 abonné 8 critiques Suivre son activité

    3,0
    Publiée le 2 juillet 2020
    Les films historiques sont toujours intéressants d'un pdv pédagogique. Intéressante cette histoire de famine en Ukraine sous fond de révolution soviétique, et le parallèle avec La ferme des Animaux est bien trouvé. Certaines scènes en Ukraine font aussi penser à Tintin au pays des Soviets. C'est plutôt beau, les acteurs sont bons (même si Norton n'est pas extraordinaire). Les accélérations de plans (cf quand il va en vélo
    chez le rédacteur) gâchent un peu selon moi. Des longueurs, ça ne restera pas dans les mémoires mais ça reste sympathique comme je l'ai dit pour le côté pédagogique (mensonge d'état, diplomatie de l'entre deux guerres etc..)
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