Le film est d’autant plus décevant que son thème était riche en espoir. L’espoir de voir un peu plus la vérité au cinéma sur la nature des crimes du communisme, leurs causes et leur ampleur. Car si on a déjà bien mis en évidence au cinéma toutes les horreurs du nazisme, trois choses du communisme restent encore peu traitées au cinéma. Premièrement, l’orchestration des famines, et de la misère d’une partie des populations par les dirigeants communistes, notamment Staline. Deuxièmement, le rôle clef qu’ont joué certains intellectuels collaborationnistes occidentaux, journalistes, écrivains, artistes, ou même politiciens. Ceux-ci, tout en sachant l’horreur, pour être allés sur place et l’avoir vue, véhiculaient tout de même en occident, sans vergogne, la propagande de ces régimes totalitaires. Troisièmement, l’aveuglement et l’acharnement des sympathisants communistes et socialistes occidentaux, à l’encontre des « lanceurs d’alerte », une fois que ces derniers témoignaient, par des conférences, des mémoires, des articles, ou des romans. L’espoir de bien voir tout cela est durement malmené par Agnieszka Holland, qui met en scène avec beaucoup de maladresse un sujet pourtant en or. Pour commencer, plusieurs de ses personnages ne sont pas contextualisés avec finesse. Ainsi, on ne mesure que très tardivement l’abjection de Duranty. En effet, sa fonction, sa stature, ne sont pas clairement et tout de suite présentées. Ensuite, l’influence du héros sur des personnages importants de l’époque est montrée de manière confuse, voire ambiguë. Orwell, nous est présenté dès le début du film, comme très marqué par les témoignages de Jones. Le film démarre d’ailleurs avec Orwell comme narrateur. Or, presque vers la fin, lors des entrevues qu’il a avec Gareth Jones, ses répliques laissent entendre qu’il doute encore de Jones. C’est l’inverse, qui aurait dû logiquement être montré. D'abord, il a douté, comme tout le monde, mais quelque chose l’a fait évoluer. Quoi ? Il s’agit bien sûr de la prise de conscience par Orwell que Jones disait vrai. Or cela, la réalisatrice Polonaise, ne nous montre pas cette évolution. Ensuite, on peut reprocher aussi à Holland sa gestion très brouillonne d’épisodes, pourtant capitaux de l’intrigue. De nombreuses scènes sont souvent mal amenées. C’est le cas du pèlerinage de Jones en Ukraine, et des macabres découvertes qu’il fait là bas. Sont brouillonnes aussi, les scènes de sa rencontre fructueuse avec Hearst, le magnat de la presse. Les multiples maladresses d’Agnieszka Holland rendent le film ennuyeux, mais à la limite, qu’importe ! Le sujet des horreurs du communisme est encore un domaine si peu exploré, que d’autres réalisateurs et réalisatrices ont encore toutes leur chance d’en réussir un sur le même sujet. Car, le pire dans cette histoire, est que les tribulations de Jones se sont 1000 fois reproduites. 10 ans après les mésaventures du célèbre journaliste Britannique, le non moins célèbre dignitaire soviétique, Kravchenko, passe à l’Ouest avec toute sa documentation sur Staline. Que se passe t’il ? Il subit l’opprobre de la quasi totalité des intellectuels de gauche Français, dont Sartre et Breton. Kravchenko finit d'ailleurs « suicidé », tout comme Jones. Dans les années 70, c’est au tour d'Alexandre Soljenitsyne. Le célèbre dissident Russe, reçoit certes beaucoup de soutien de par le monde, mais il subit aussi beaucoup l’opprobre d’une bonne partie des intellectuels de gauche, et notamment en France, de René Dumont ou Jean Daniel. Le traitement n'a pas été plus tendre avec les centaines d'artistes, ou intellectuels chinois, Vietnamiens, ou cubains. « Le Journal d’Anne Frank » fait depuis des décennies automatiquement l’objet d’études à l’école, au collège, ou au lycée. « Une journée d'Ivan Denissovitch » reste totalement absent de tous les programmes scolaires, voire même de l’écrasante majorité des CDI de France et de Navarre. L’Ombre De Staline plane toujours.