« Ce film s’inspire largement de faits réels », nous dit-on au début de ce biopic. Il est vrai que Gustave Eiffel a fait construire, non sans difficultés, une tour devenue célèbre dans le monde entier pour l’exposition universelle de 1889. Pour le reste, tout est romancé. La belle histoire d’amour entre l’ingénieur de génie et la belle aristocrate est née de l’imagination des scénaristes. Rien en tout cas dans la vie de cet homme discret n’y confère quelque vraisemblance.
Ce qui me turlupine, ce n’est pas tant qu’on ait imaginé, pour rendre le film plus accrocheur, cette grande passion. C’est qu’elle soit, j’allais écrire banale, disons plutôt prévisible, convenue et artificielle, malgré le charme et le talent des deux acteurs principaux, Romain Duris et Emma Mackey. Soit dit en passant, les deux protagonistes sont censés avoir à peu près le même âge. Dans les faits, ils ont 21 ans de différence. Mais comme à peu près tout est faux dans ce récit, une invraisemblance de plus ou de moins importe peu, finalement.
En fait, ce qui m’a le plus intéressé dans ce film, c’est de voir à quel point le projet de construction de la Tour a suscité d'ardentes hostilités. Dès le premier coup de pioche, peut-on lire sur le site d’Allociné, une « Protestation des artistes » contre son édification est signée. Parmi les noms les plus remarquables, on note Charles Gounod, Charles Garnier, Victorien Sardou, Alexandre Dumas fils, François Coppée, Sully Prudhomme, Leconte de Lisle, Guy de Maupassant et Huysmans. « Méfions-nous des grands hommes », aurait alors dit Eiffel, à qui je donne entièrement raison. Il faut craindre, en effet, ces grands consensus où les noms s’agglutinent dans un conformisme peureux.
On notera aussi les exagérations de la presse d'alors : « À peine finie, la tour s'écroulera et tuera des milliers de Parisiens. » « Arrivés au sommet, les visiteurs seront asphyxiés. » Ou encore : « Le tout s'enfoncera sous terre créant un véritable cataclysme. » Le sensationnalisme existait déjà, comme on peut le constater.
Tout cela étant dit, cette production ambitieuse, mal scénarisée mais bien réalisée, se laisse voir agréablement.