Elle a été là, tout le temps , elle est apparue dans une myriade de films, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer la France en une seule image mais au fond, elle n’a pas souvent eu les honneurs des premiers rôles au cinéma. Et son concepteur encore moins, lui qui fut un Ingénieur de génie, (ça semble avéré) mais aussi un chouette type, ambitieux et obstiné mais aussi humain et compréhensif et surtout, surtout, un amoureux transi et rancunier. (qu’ils disent, dans le film) Certes, le film évoque le débat autour de la construction de ce monument désormais indissociable de la France et de Paris mais qui fut considéré à l’époque comme une verrue posée sur la capitale. On perçoit aisément la démesure du projet, la prouesse technique qu’il représentait, et le pari un peu dingue de construire un tel monument, sans utilité apparente, à une époque déjà obsédée par le retour sur investissement. On apprécie aussi la traversée de ce Paris de la Belle époque, industrieux le jour et lumineux la nuit…mais ce qu’on apprend surtout, c’est l’obsession de Gustave Eiffel pour Adrienne Bourgès, son amour de jeunesse, qu’il avait rencontré 30 ans plus tôt alors qu’il construisait ses premiers ponts métalliques en province, et qu’il recroise à Paris où elle mène une désespérante existence d’épouse comblée. Cette romance désespérée et surtout totalement imaginaire, expliquerait pourquoi le monument a la forme d’un “A” et pourquoi Eiffel fut prêt à engager sa fortune et sa réputation dans la construction de son caprice métallique. Plus qu’un film historique, didactique, biographique, ‘Eiffel’ est avant tout un flamboyant mélodrame à l’ancienne, “qualité française” mais dans sa version moderne, et on sait que l’unique solution pour qu’un mélodrame ne sonne pas creux et niais est d’éviter toute ironie ou double-lecture post-moderne et de se donner les moyens de ses ambitions, quitte à ce que Adrienne et Gustave sur la balustrade du premier étage ressemblent à Jack et Rose à la proue du navire (c’est le même filtre orangé pour le ciel en tout cas). ‘Eiffel’ est donc un mélodrame, mais comme le sont Titanic’, ‘Légendes d’automne’ ou ‘Le dernier des Mohicans’. Il y en aura toujours pour râler sur le procédé un peu facile qui consiste à falsifier l’Histoire en faveur d’une bonne histoire (ce que les Américains font depuis un siècle, c’est peut-être pour ça que ça marche presqu’à tous les coups) mais personnellement, je suis plutôt content de voir un film français piocher dans le patrimoine historique du pays et, surtout, y mettre les moyens pour que le résultat n’ait pas à rougir de sa maigreur visuelle sur le marché international.