Eva Husson signe son deuxième film dans sa carrière. Et c’est un film
impressionnant. Il est extrêmement bien fait, à tous les niveaux :
esthétiquement, techniquement, aussi en terme de mise en scène. Ce film
nous plonge dans les dégâts que provoquent « Daesh » sur le matériel,
l’environnement, et aussi sur les femmes, les hommes et les enfants,
l’impact qu’il a sur le Moyen-Orient, tout simplement. Nous avons une
journaliste, « une envoyé spécial » qui rejoint le chaos pour filmer « la
vérité ». Elle filme toutes ces images qui hantent nos télévisions le soir au
journal de 20 heures. C’est d’ailleurs un point auquel j’aimerais m’attarder.
Je ne mesurai pas le degré de courage qui règne dans ces journalistes. En
sortant de ce film, je me suis dit « c’est dangereux d’être journaliste ». Elle
manque, dans le film, à plusieurs fois de se faire tuer, et toujours
accompagnée de son appareil photo. C’est son arme, la chose qui lui donne
raison d’être présente. Cette journaliste est accompagnée d’un groupe de
femmes kurdes dont la leader est jouée par Farakani, très bonne actrice.
Ces femmes ont tout perdues, leurs maris, leurs foyers, et leurs enfants. Et
pourtant elles sont là ! Portant leurs armes, et voulant écraser ces humains
extrémistes qui ne sont pas vraiment des humains. Elles sont fortes,
courageuses, elles sont belles. Ce film est un parfait hommage aux femmes
kurdes qui se battent pour leur liberté. Elles ne craignent pas les hommes,
elles ne craignent pas de mourir, elles sont les victimes de ce système de
violence et de destruction. Elles disent : Stop ! En chantant, en se prenant
par la main, elles marchent, ensemble, sur ce système de haine. Le tout
accompagné d’une musique poignante, frisante, et d’une mise en scène
irréprochable. Le travail de l’image est vraiment parfait, on nous montre
malgré les décombres de la ville, des paysages magnifiques.
J’aimerais souligné deux moments qui m’ont particulièrement plus :
- Un dialogue entre la journaliste et Bahar. Toutes deux parlent du
pourquoi elles se sont retrouvées là ! Parmi les bombes. Ce dialogue est
plutôt long mais le jeux des deux actrices, Emmanuelle Bercot et Farakani,
est tellement parfait qu’il paraît être court. La journaliste se demande
pourquoi au final, elle est là ! À filmer ces images. Les choses ne changent
pas de toute façon. Je me souviens brièvement de la phrase qu’elle dit
pour se répondre à elle-même « Les gens se fichent de la vérité, si ils y
accordaient un peu plus d’importance, il n’y aurait pas tous ces tyrans au
pouvoir. Les gens achètent la sécurité, le rêve. »
Cette phrase résume bien le problème majeur de notre société. J’aime
beaucoup ce dialogue. Bahar explique que si elle est là, ce n’est pas pour le
plaisir de porter une arme ou de tuer, mais dans l’espoir de retrouver son
fils qu’on lui a arraché. C’est un dialogue puissant, plongé dans l’obscurité
de la nuit, ou seuls une petite lumière vient éclairer les lèvres de nos
protagonistes. Les décombres sont plongés dans le noir, leur paroles
éclairées.
-L’éloge final. Un monologue intérieur et puissant qui clôture parfaitement
ce film. La journaliste est dans une camionnette et regarde le paysage
« Les nuages dansent avec les montagnes ». J’adore !
C’est un film à voir, à défendre, à partager, car rare sont les cinéastes qui
dévoilent une réalité, nouant esthétique et vérité en même temps. ( Je
défend alors un film du même registre, La mauvaise réputation de Iram
Maq, ou l’on interdit aux femmes d’aimer avant le mariage.
Les filles du soleil, est un film dur, intense, bouleversant. On en ressort
avec cette étrange pulsion de rester en vie et d’affirmer ce que l’on est.