Dans Low Notes, premier long-métrage de Laurier Fourniau, on suit les aventures de Leon, 22 ans, qui s'installe à Los Angeles, Hollywood, soit l'autre bout du pays, après un chagrin amoureux. Désillusionné mais résolu, il se met en devoir d'une nouvelle vie sur la West coast. Les personnages rencontrés sur place forment un clan fragmenté, superficiel, délétère, mais attachant, car traité avec humour. La mise en scène présente habilement ces hommes et femmes comme partie intégrante du milieu qu'elle décrit : excès, faiblesses... Parmi eux, Alexis, un étudiant du genre à courir les bars tous les soirs, représentera pour Léon l'âme la plus secourable et la plus loyale. N'ayant conservé comme repères de sa vie antérieure que des routines antithétiques, soulever de la fonte et assister à des concerts de musique classique, Léon, héros / anti-héros impénétrable, en compagnie d'Alexis, cherche à colmater le vide existentiel par des procédés faciles.
Ainsi dans Low Notes, on voit le déploiement (quasi militaire) de la génération Tinder, née dans les années 90, au milieu de ce foisonnement humain propre à Hollywood. C'est vertigineux, filmé comme tel. Pour cette génération-là, c'est comme à la guerre. Il faut savoir rester à bonne distance de l'ennemi, marcher sur des œufs, ne pas se laisser prendre au piège, dans un espace-temps irréel. Des êtres se matchent, se rencontrent, couchent parfois, mais seulement sur le plan formel, comme s'il en allait de leur sauvegarde. D'ailleurs le réalisateur ne s'attarde pas trop sur les scènes intimes, comme si ce n'était pas regardable, à bien des égards. Extrêmement contagieux, le sentiment d'insécurité qui grandit en Léon va enfin le pousser dans ses derniers retranchements. Nous spectateurs, nous ne lui souhaitons finalement que l'accélération du processus. Dans cette évolution, l'aspect un peu cyclique des activités (diurnes, nocturnes…) ne fait pas souffrir le rythme d'ensemble.
Low Notes fait aussi découvrir une poignée de jeunes acteurs épatants : Dash Moam, sobre et robuste dans le rôle principal, et Pedro Fontaine en fêtard exalté. Dirigés par un réalisateur assez fin sociologue, ils réussissent à interpréter une jeunesse en apparence avantagée qui, dans le fond, tremble. Le réalisateur réussit à faire le tracé d'un portrait multiple, ce qui n'est pas un exercice facile; c'est appréciable de le voir prendre ce risque. On doit aussi à ce film des belles images d'une Los Angeles clinquante et artificielle. On pense évidemment aux atmosphères bien étoffées de Sofia Coppola dans The Bling Ring, ou de Bret Easton Ellis pour Less than Zero. Low Notes, tourné avec peu de moyens, est un film on ne peut plus indépendant. Enfin, ce premier film est surtout une pépite visuelle; avec des dialogues d'une forte acuité. Les prochains films de ce jeune réalisateur sont donc à suivre de près !