Le travail produit ici par Alexandre Mourot m'a impressionné. L'éducation est sans doute le champ d'émergence révolutionnaire au potentiel le plus conséquent. Cette révolution, dont il est question, c'est celle de la conquête de l'autonomie, de la liberté et de la responsabilité. La pédagogie de Maria Montessori est basée sur le respect de l'enfant, de son rythme d'acquisition. Il ne s'agit pas d'"inculquer" des connaissances à l'enfant. Les adultes présents dans la classe se tiennent en retrait. Celui qui détient le pouvoir, le maître, c'est l'enfant. En ce sens, le titre du film annonce bien la couleur. Point de démagogie dans cette formule. La pédagogie verbale n'est pas de mise. Les échanges langagiers ne sont pas le canal privilégié pour apprendre. C'est par le corps, par la kinesthésie, que l'enfant apprend. Il expérimente, répète inlassablement jusqu'à ce qu'il s'empare de ce qu'il teste. Mais là où la révolution s'engage, c'est que c'est l'enfant qui décide de ce vers quoi il va se tourner. La classe est composée de 28 enfants âgés de 2 ans et demi à six ans. Pied de nez à la supposée homogénéité de niveaux requise pour "bien apprendre". Les notions de danger, de dangerosité, de prise de risques ont aussi retenu mon attention. En classe Montessori, on ne fait pas semblant, on fait pour de vrai, on se coltine aux éléments en vrai dans des expériences essentiellement solitaires. Prenons le feu, par exemple : l'enfant dispose d'allumettes et s'exerce à allumer une bougie. Il ne s'agit pas de réussir pour pouvoir passer à autre chose, mais de tenter aussi souvent que souhaité. Il y a également une table à repasser et un fer à repasser... qui chauffe vraiment et permet de repasser, mais aussi de faire l'expérience du chaud. De fait, il est possible de s'emparer des apprentissages fondamentaux, quel que soit son âge. Lire, multiplier, diviser, peuvent se faire dans la solitude et sans que le maître donne la réponse. L'enfant dispose du matériel pour vérifier ce qu'il a trouvé. Il n'y a pas de "faute", de "correction", tout au plus des erreurs, mais qui ne sont pas sanctionnés par l'adulte avec tout l'effet de rabaissement produit, la soumission à l'autorité et l'acceptation d'un pouvoir supérieur. Evidemment, cette révolution pédagogique, si elle venait à se propager, aurait des incidences politiques. La langue de bois ne tiendrait plus. Avec Montessori, on ne prétend pas à "l'égalité des chances", qui n'est rien d'autre qu'une dénégation de l'inégalité des conditions d'enseignement, dont Bourdieu avait souligné la vocation de reproduction, de reconduction des classes sociales. L'accompagnement musical est souvent savoureux et nous emmène du côté burlesque de l'humain. Quelle bouffée d'air ! Bravo pour ce magnifique plan d'attaque au service d'une société moins fondée sur les rapports de force. Non, il n'y a pas que la loi du plus fort ou du plus riche ou du plus expérimenté, du plus cultivé, du plus instruit... D'autres voies et d'autres voix existent. Le corps n'a pas à être dompté, empêché de se mouvoir. Si l'enfant trouve l'intérêt à ce qu'il observe, alors sa concentration devient impressionnante.