Philippe Godeau porte Yao depuis longtemps en lui. Désireux d'évoquer des valeurs telles que le sens de la famille, le partage, l’accueil et la foi, le réalisateur sentait que la culture sénégalaise était propice à cela, sans compter la beauté esthétique et exotique du pays. Il conclut : "je cherchais là à faire ressentir que, pas si loin de nous, des gens vivent différemment et que cette différence est inspirante".
Si les deux précédents films de Philippe Godeau avaient François Cluzet pour héros, le réalisateur et Agnès De Sacy ont écrit le rôle de Seydou spécialement pour Omar Sy. Malgré sa notoriété considérable et sa popularité qui ne faiblit pas, Godeau considère que l'acteur a réussi à garder les pieds sur terre : "j’avais l’intuition qu’Omar avait besoin de se confronter de nouveau à ses racines et qu’il serait bon qu’il le fasse devant une caméra. Il est intéressant de mêler l’art et la vie, même si nous ne faisons pas notre psychanalyse à travers des films ! Nous avions un vrai désir de cinéma autour de cette histoire. Nous partageons tous deux un attachement profond à la question de la paternité, des origines".
Lorsqu'il était enfant et adolescent, Philippe Godeau a eu l'occasion de voyager au Mali où son père travaillait : "C’était une chance, une richesse pour moi qui ai pu découvrir une culture et un quotidien très éloignés de ma vie de jeune Occidental à l’époque". Avec sa scénariste Agnès De Sacy, il est allé deux fois au Sénégal pour faire des repérages et rencontrer des gens qui ont nourri l'écriture des personnages.
Quant à Omar Sy, cela faisait huit ans qu'il n'y était pas allé : "J’ai pris beaucoup de plaisir à vivre cette expérience, car je jouais aussi à domicile, d’une certaine manière ! Nous allions dans les villages, j’étais attentif à la manière dont les gens me percevaient là-bas. J’ai fait de belles rencontres. J’ai reçu la bénédiction de plusieurs personnes, ce qui m’importait beaucoup".
Le réalisateur a tenu à mêler fiction et réalité dans son film. C'est ainsi qu'il a tourné une scène de prière inspirée par un repérage fait dans le pays : "J’ai été saisi par cet instant où tout le monde prie ensemble dans la rue, en toute quiétude. Là aussi, je ne voulais pas accompagner cette séquence d’un commentaire : je la montre telle que je l’ai observée. [...] Je filme cette réalité en plan large, à la fois frontalement et à distance avec une simplicité qui, j’espère, sera perçue comme telle".
Il en est de même pour la prière qu'effectue Germaine Acogny sur le fleuve. L'actrice devait à l'origine uniquement danser mais elle a spontanément effectué une danse-prière aux ancêtres. Le cinéaste se souvient : "J’aime quand la danse fait ressentir des émotions fortes et il m’a semblé important de confronter Omar [Sy] à cette situation-là. Germaine a tenu à ce que cette scène de prière dans le film soit destinée à ses ancêtres à lui".
Il était essentiel pour Philippe Godeau de choisir un enfant sénégalais pour interpréter Yao. Il recherchait un enfant de 11 ou 12 ans à l'accent authentique. Lionel Basse a été sélectionné parmi six-cents enfants : "Je suis très sensible à la voix des acteurs et j’étais amoureux de la sienne. Sa voix vous embarque immédiatement ailleurs. Il est de Saint-Louis au Sénégal. Omar [Sy] et lui étaient très complices. Nous tournions dans la continuité, ce qui facilitait les choses pour lui qui n’avait jamais fait de cinéma. Lionel est un enfant très vif, intelligent, travailleur".
L'équipe de tournage était à moitié française et à moitié sénégalaise. Demba Dieye, premier assistant-réalisateur sénégalais, a même tenu à ce qu'il y ait un premier assistant français. Une proposition bienvenue selon le réalisateur : "Il est vrai que ce n’était pas un film simple à réaliser et cette idée s’est avérée judicieuse. L’équipe était bien équilibrée. Chacun a fait son voyage à soi et en est ressorti un peu différent".
La bande-originale de Yao est signée M, à qui l'on doit déjà les musiques de Ne le dis à personne, Visages Villages ou encore Un monstre à Paris. "J’aime beaucoup le métissage et l’authenticité de son album Lamomali. Il a effectué musicalement ce que j’essaye de faire au cinéma en invitant au voyage, en transmettant une énergie. Son modernisme est très respectueux de l’Afrique. [...] Son mélange de guitare électrique et d’instruments traditionnels africains me semble très moderne et judicieux. En outre, Fatoumata Diawara, qui joue et chante dans le film, a participé à son album, ce qui créait une connivence supplémentaire avec le projet", explique le réalisateur.
Yao est traversé par la question de la paternité. Le film est d'ailleurs dédié à Jacques Godeau et Demba Sy, les pères respectifs du réalisateur Philippe Godeau et d'Omar Sy.