Mon rapport avec les films de Jeremy Saulnier est foncièrement tordu : il suffit que je lise quelques lignes à leur sujet pour avoir hyper envie de les voir, je leur trouve nombre de qualités à l’usage...et, à chaque fois, je m’endors avant la fin...ce qui m’oblige à une seconde séance qui a au moins le mérite de me permettre d’approfondir. Je n’en ai toujours pas compris la raison : en règle générale, ni la lenteur - relative - d’un film, ni ses ellipses, ni les motivations insondables de ses protagonistes, ici mûs par bien autre chose que la raison et le calcul, n’ont de quoi me rebuter. Dans ‘Aucun homme ni dieu’, c’est un enfant qui disparaît dans le nord de l’Alaska, prétendument enlevé par des loups : la mère éplorée contacte un chasseur de loups qui fait le voyage parce qu’il ne semblait de toute façon pas avoir grand chose d’autre de prévu les trente prochaines années. Excepté qu’il fait un froid de gueux dans la région, que le nuit tombe à 15h et que les bouseux du coin ne sont ni loquaces ni aimables, notre traqueur découvre aussi que comme d’habitude, les loups ont bon dos. Ce dernier élément, on le découvre d’ailleurs très vite, sans compter qu’on se doutait dès les premières minutes que des trucs pas nets se trament dans la toundra. Malgré l’environnement d’une hostilité presque irréelle, la mise en place s’effectue calmement, l’enquêteur improvisé s’efforce de démêler les fils de l’écheveau...et puis, la violence surgit, le scénario s’emballe au point que de personnage central, Russell devient spectateur dépassé par des événements qui semblent issus de la rencontre d’un choc post-traumatique et des traditions indigènes. Evidemment, on comprend bien les références constantes à cette part primitive et bestiale ancrée dans l’homme qui menace sans cesse de submerger son humanité, spécifiquement dans les contextes suffisamment éloigné des normes et des règles communes...mais il manque quelque chose. Tout cela aurait pu susciter une authentique fascination mais on a l’impression d’être tenu à l’écart du film, comme si le réalisateur multipliait les indications contradictoires pour s’assurer qu’on ne comprenne jamais tout à fait de quoi il retourne. D’un certain côté, la logique ultra naturaliste du film s’oppose ouvertement à l’épanouissement du genre d’atmosphère que le réalisateur essaye pourtant de mettre sur pied, un peu à la manière d’un bouquin de Grangé dont l’auteur annoncerait de but en blanc “Nan mais le côté mystique et pseudo-scientifique faut pas faire attention, c’est juste pour faire genre�. Chaque élément potentiellement prometteur du film se retrouve mis en balance avec un élément beaucoup plus incertain, douteux ou inefficace. Ce n’est qu’en lisant une analyse du film que j’ai découvert certaines informations présentes dans le bouquin dont le film est tiré, des éléments qui figurent à l’état d’indices dans le film mais d’une manière beaucoup trop fugace pour qu’il soit possible de les interpréter correctement. Dommage, j’ai dans l’idée que c’était pile ce qu’il aurait fallu pour faire pencher la balance du bon côté.