A vu le très charmant film espagnol "Eva en août" de Jonas Trueba. Ce long métrage qui sort en pleine semaine caniculaire aoutienne ne pouvait pas mieux tomber puisqu'on se retrouve à vivre un peu la même expérience que le rôle principal. Eva est seule à Madrid car la plupart des habitants fuient la cité et ses températures insupportables du 1er au 15 août. On ne sait pas grand chose de cette comédienne qui a décidé de changer de métier et qui emménage dans un appartement en plein centre ville qu'un ami lui prête pour une durée déterminée. Eva va parcourir sa ville en spectatrice, va languir sur son canapé en mangeant de la pastèque, va boire des "copa de vino blanco" avec des personnes qu'elle rencontre par hasard et d'autres qui surgissent de son passé. Mais surtout Eva va se transformer fondamentalement au final de ces 15 jours. Beaucoup de metteurs en scène pensent faire du cinéma en surchargeant le cadre, la musique, les mouvements de caméra et finalement il n'y a rien, et bien personne d'autre que Jonas Trueba pour savoir filmer avec un immense talent, le rien et les petits riens avec peu de moyens. Il faut dire que les nombreux plans séquence laissent s'exprimer l'imperceptible, l'ennui, le questionnement, le malaise, l'ironie, le cynisme, la drôlerie, la mélancolie, l'énergie, le culot de cette Eva très attachante et humaine. Itsaso Arana qui est également la scénariste du film est formidable et son jeu extrêmement subtil. Eva est plus à l'aise pour parler avec des inconnus (un prof gallois craquant, une comédienne performeuse hallucinante, un serveur de bar, une magnétiseuse loufoque pour calmer les règles douloureuses...) qu'à des personnes qui l'ont bien connue (une ancienne meilleure amie qui règle ses comptes, son ex qui l'a quitté il y a trois mois, l'homme qui lui prête son appartement) ce qui fait que l'on sait très peu de chose d'Eva...et ce qui laisse la place à chacun d'entre nous de s'identifier à cette Eva mystérieusement banale et quotidienne. Les dialogues sont extrêmement travaillés et jouissifs et l'on ne s'ennuie jamais de suivre ce quotidien madrilène qui pourrait être répétitif mais qui ne l'est jamais. Ce film que j'ai vu au fin fond de la Bretagne où j'ai fait 1 heure de route pour aller le voir, est un vrai voyage initiatique et culturel mais en aucun cas touristique. Si vous aimez la langue espagnole, le vin blanc, que vous êtes comédien(ne), que la mélancolie est votre meilleure amie, ou
que vous avez des règles douloureuses il faut aller voir ce film... si vous n'êtes concerné par rien de tout cela allez y aussi... En quittant Brest toujours aussi déprimant, j'étais heureux sur le long chemin du retour qu'un cinéma tel que "Les studios" rue Jean Jaurès fasse un travail et une programmation formidable et de constater que Rohmer était ressuscité et qu'il était Espagnol.