Ce n’est ni par le biais d’un biopic classique, genre "Ray" ou "Walk The Line", ni par celui d’un faux biopic, genre Barbara, que les deux réalisatrices Catherine Gund et Daresha Kyi ont choisi de dresser le portrait de la chanteuse mexicaine Isabel Vargas Lizano, plus connue sous le nom de Chavela Vargas. Une chanteuse dont la renommée en France est assez faible mais qui mérite d’être mise sur un pied d’égalité avec les plus grandes chanteuses de la planète, que ce soit Edith Piaf, Amalia Rodrigues, Melina Mercouri, Mercedes Sosa ou Billie Holiday.
En fait, si, en allant voir "Chavela Vargas", vous prétendez ne pas savoir qui était le sujet de ce film, si vous affirmez ne l’avoir jamais entendue, c’est que vous avez très peu fréquenté le cinéma de Pedro Almodovar, ce réalisateur ayant pioché dans sa discographie pour de nombreux films. Par contre, une certitude : à la sortie de la projection de ce film si riche, vous saurez presque tout concernant cette grande dame de la chanson Ranchera.
C’est avec beaucoup d’intelligence que Catherine Gund et Daresha Kyi ont construit leur film, se refusant à un survol linéaire de l’existence de Chavela. Elles ont mélangé très habilement les images d’une interview de Chavela réalisée en 1991 par Catherine Gund, des images et des photographies d’archives et des interviews récentes, réalisées par elles, d’un grand nombre de personnes ayant connu Chavela, que ce soit avant ou après cette période de 12 années où beaucoup la croyaient mortes.
C’est à plusieurs titre que "Chavela Vargas" est un film important : en plus de mieux faire connaître une chanteuse qui n’a pas toute la place qu’elle mérite, en particulier dans notre pays, le film de Catherine Gund et Daresha Kyi est un document sociologique très riche par sa peinture d’une femme qui s’est toujours comportée comme une rebelle dans un pays connu pour son machisme, d’une femme qui a beaucoup fait pour améliorer la situation de ses « sœurs », les femmes lesbiennes bien sûr, mais aussi, au-delà, toutes les femmes de ce pays, le Mexique, dont elle avait pris la nationalité.
A la fois riche et émouvant, "Chavela Vargas" est un documentaire passionnant qui nous permet de découvrir toutes les facettes d’une femme qui, à sa façon, avait choisi de vivre dangereusement. Assagie à l’âge de 71 ans, elle a vu sa notoriété grandir dans quelques pays. Pedro Almodovar prétend qu’il l’a cherchée pendant 20 ans et qu’il lui a fallu 20 ans de plus pour s’en détacher. Vous avez 90 minutes de film pour trouver Chavela : profitez en ! Arriverez vous ensuite à vous en détacher ? Pas sûr !