Avec la franchise des ‘Singam’, on évolue dans une toute autre tradition cinématographique indienne, moins connue, moins accessible au public étranger, avec moins de moyens financiers que Bollywood, celle du cinéma tamoul…même si le personnage est devenu suffisamment populaire pour avoir déjà eu droit au remake de ses films en Hindi, en Bengali ou en Pendjabi. A l’inverse des superproductions en Hindi qui lorgnent toujours plus en direction du marché international, le cinéma tamoul reste profondément ancré dans son “terroir”, truffé de références impénétrables à la culture du sud de l’Inde et de codes qui le rendent souvent et involontairement très drôle pour un regard peu habitué aux normes locales. Ainsi, ‘Singam’ est un flic castagneur qui combat la corruption et les mafias du Tamil Nadu. Il porte une fière moustache noire et, malgré sa force et sa rapidité, donne l’impression d’être un peu potelé. Sans cesse interrompue par des danses collectives endiablées ou des ballades sirupeuses, l’enquête de Singam n’est pas forcément passionnante quand on ne considère pas l’intéressé comme un role-model de virilité bienveillante, d’autant plus que l’humour, que le film offre en abondance (avec petits bruits cartoonesques à la clé), répond lui-aussi à des normes incompréhensibles. Non, ce qui m’a motivé à poursuivre l’expérience, ce sont les fréquentes bagarres qui opposent Singam à tout plein d’adversaires à la fois. Dans ces bastons au sommet, une clé-de-bras fait faire trois tours sur lui-même au malandrin que Singam parvient ensuite à projeter sans efforts à douze mètres de distance mais ça, ça fait partie de la traditionnelle tendance à l’exagération de tout film indien qui se respecte. En revanche, les ralentis lors des actions cruciales sont inexplicablement couplées à des accélérations, ce qui fait que ces bagarres évoquent souvent un film d’arts martiaux avec Laurel et Hardy. Enfin…d’arts martiaux, c’est vite dit : l’art du combat de Singam ne repose pas sur des techniques séculaires qui réclament des années de pratique pour être maîtrisées mais plutôt sur la bonne grosse baffe (avec un effet numérique poussif qui la recouvre d’une tête de lion en or). Ralenti comique, bruits de dessin animé, bonne grosse baffe, gros ventre, moustache,...vous me mettez le tout au shaker et vous obtenez une…une sorte de film muet de 1910 en couleurs et dont un Bud Spencer tamoul tiendrait la vedette. Vous comprenez dès lors à quel point, même s’il n’en aura jamais conscience, ‘Singam’ est un film précieux.