Le film de Sophie Fillières brille d’humilité et de simplicité, sans toutefois manquer de sophistication. Les trois acteurs sont brillants, et le trio devient de plus en plus attachant au fil du film. La grande réussite de La belle et la belle, et qui me le rend encore plus formidable à mes yeux, c’est que, malgré la grande subtilité et intelligence du scénario, des situations et des dialogues, la réalisatrice ne tombe jamais dans l’abîme de longues scènes explicatives, effectivement, on pourrait avoir des problèmes quant à la crédibilité de l’histoire, des réactions des deux
femmes qui ne se demandent pas si elles ont des problèmes psychiatriques ou autre, mais non, car le but est d’accepter, comme Margaux/Bonitzer le demande à Esther au début, il ne faut pas être « terre-à-terre », mais bien se plonger dans cette histoire folle et poétique, oublier l’habituel regard cynique et sceptique. Le film nous dit de croire aux rêves, aux contes, aux enchantements. N’est-ce pas une grande partie de la beauté du cinéma ? Cet aspect a sans doute été trop oublié par les réalisateurs français depuis quelques décennies, où l’on est bombardés de films prétendumment réalistes, alors quel rafraîchissement un film pareil ! Les jeux de langue des dialogues sont complètement uniques à cette réalisatrice, dans quelque partie du monde qu’on aille regarder, et donnent aux personnages toute leur personnalité, leur âme, et d’une manière les rendent exceptionnels, sans les sortir de leur statut banal. Et c’est ce mélange justement, de banal et d’exceptionnel, tout au long du film, qui rend cette aventure cinématographique si belle.