Martin et Gabi se sont déjà croisés physiquement mais ils ne le sauront jamais. Ils avaient tous deux les yeux rivés sur leurs smartphones, en train de sélectionner un potentiel candidat pour une relation sans lendemain grâce à leur application Winx (un Tinder-like). Aussi accros l'un que l'autre au sexe sans sentiments, ils vont finalement être réunis par le logiciel de rencontres après avoir vécu un rendez-vous désastreux chacun de leur côté. Au lieu de céder tout de suite à la tentation charnelle, ils choisissent simplement de boire un verre et de discuter. C'est le début d'une histoire d'amour, une vraie, durable, qui va les guérir de leurs addictions... pendant un temps, du moins.
Rattrapés par leurs démons respectifs et leur incapacité à communiquer avec l'autre, ils font le choix de s'autoriser à avoir d'autres partenaires à la seule condition d'être mutuellement et complètement transparents sur le sujet...
Qu'ils soient contrariés par une question de visa ("Like Crazy"), impossibles entre un homme marié et une jeune fille ("Breathe In") ou encore interdits dans une société dystopique ("Equals"), Drake Doremus aime décortiquer les sentiments et les mettre en scène d'une main de maître. Cette capacité incroyable que possède le réalisateur à saisir la vérité des instants amoureux et la retranscrire à l'écran pour la rendre presque palpable en fait un des plus grands metteurs en scène actuels du drame romantique.
Avec "Newness", il capte à nouveau de manière sidérante la fragilité et la force d'une relation amoureuse influencée par les nouvelles technologies. Les non-dits se cachant derrière la puissance d'un regard, le temps figé lors d'un premier baiser parfait, ce moment où un acte sexuel devient "faire l'amour", la montée en puissance d'une première dispute, ... tous ces instants inévitables d'une histoire d'amour, Doremus les fait vivre et ressentir à l'écran avec une facilité presque déconcertante. Il est bien sûr aidé par ses acteurs (Nicholas Hoult et Laia Costa sont épatants) et des personnages écrits en profondeur mais son regard réaliste sur l'indicible des émotions humaines touche immuablement juste.
Dans "Newness", à un passage à l'âge adulte amoureux de deux âmes déjà abîmées par la vie se lie la thématique de la communication au sein d'un couple. Rendue obsolète par l'absurdité des nouveaux outils de rencontres occultant la question des sentiments pour faire du sexe une sorte de service consommable comme un autre, accessoire quand la passion du début d'une relation emporte tout, problématique lorsqu'il s'agit d'évoquer des plaies pas encore totalement cicatrisées du passé, illusoire dans le cadre d'une promesse qui ne pourra inévitablement tenir sur la durée ou encore parasitée par des secrets révélés aux mauvaises personnes, Drake Doremus n'hésite pas à aborder cet élément essentiel à la durabilité d'un couple sur tous les plans possibles, quitte à parfois prendre quelques directions attendues (comme la dernière partie où les personnages doivent nécessairement passer une épreuve seuls pour se retrouver). Mais même le côté prévisible de ces dernières sera toujours contrebalancé par l'oeil débordant de sincérité du réalisateur ou par la force de l'interprétation, et elles constitueront au final une étape décisive à la maturité amoureuse recherchée par les protagonistes dont la définition paraît évoluer sans cesse.
Drake Doremus signe donc à nouveau un grand film d'amour en explorant avec intelligence toutes les facettes du manque de communication exacerbé par la modernité de nos sociétés et ses nouveaux modes de rencontres. Et, même s'il n'égalera jamais son premier et plus grand hit, "Like Crazy" ("Newness" est d'ailleurs dédié à Anton Yelchin), son talent à traduire visuellement les émotions humaines fait immanquablement mouche et place "Newness", comme quasiment toutes les oeuvres de sa filmographie romantique, bien au-dessus de la mêlée du genre.