9ème film Compétition Cannes 2000 : L'émancipation dans la filiation filmique pourrait résumer le tournant de la carrière de Liv Ullmann, l'actrice norvégienne montante, devenue muse d'Ingmar Bergman pour neuf films dès 1966 avec Persona, dans les oeuvres majeures du cinéaste dans les années 70 connues par tout cinéphile averti (Cris et chuchotements, Scènes de la vie conjugale, Sonate d'automne..). Désormais, cette actrice talentueuse passe derrière la caméra mais ne rompt pas radicalement avec les obsessions bergmaniennes, ce dernier, qui ne décèdera qu'en 2007 demeurant le scénariste pour ses deux derniers films, dont ce Trölösa qui ausculte à nouveau le couple, thème récurrent du réalisateur de l'île de Farö. Ici est scrutée un trio amoureux (actrice/chef d'orchestre/metteur en scène), dans un film à la mise en scène chirurgicale, implacable, faite de plans fixes pénétrants, hypnotiques mais également empreints de douceurs (bercés par le bruit des vagues de l'ile suédoise ou le carillon d'une boite à musique mozartienne). Il s'agit d'une tragédie des sentiments dont la tension monte inexorablement, avec cette spirale infernale où la douleur, la solitude vont accoucher d'une passion réelle mais interdite, entrainant par la suite son lot de secrets, de mensonges, de dissimulations, de remords, de jalousie, de violence et de cruauté. La construction implacable et tortueuse du film en fait également sa force, cette conversation entre un intervieweur/écrivain/dramaturge non défini et l'héroïne narrant avec recul son histoire, nous fait sans cesse réfléchir sur la réalité des échanges, sur la possible dimension psychanalytique, voire remémorante qui pourrait n'être qu'une projection mentale des regrets de Bergman se souvenant de sa propre histoire adultérine (de son propre aveu d'ailleurs dans les interviews du maître suédois) et la transférant à Marianne, son propre miroir fictionnel. Le film est habité par le jeu prégnant de Lena Andre, véritable continuatrice de Liv Ullmann actrice, héroïne tragique pleine de fragilité et d'une pénétrante force qui aurait mérité un prix d'interprétation. La réalisatrice, tout en restant fidèle à son mentor, n'en apporte pas moins sa touche personnelle dans la construction de son personnage féminin, où sa compréhension des états d'âme évolutifs et parfois contradictoires de l'héroïne rende cette dernière encore plus émouvante.