Opéra = bulles! La coupette à l'entracte est si bienvenue que le cinéma Gaumont que je fréquente a ouvert son bar à bulles les soirs de retransmission du MET.....
Le Balzac n'est pas en reste qui nous accueille avec une délicieuse coupe de Crémant....
Revenons aux Due Foscari, un de ces opéras des "années de galère" après le succès de Nabucco et dont la musique, pour agréable qu'elle soit, nous apparaît un peu comme interchangeable; les cavatines s'enchaînent aux cabalettes, et vice versa.... Alors on y va, évidemment, pour voir Placido Domingo dans ses nouveaux habits de baryton!
L'argument, tiré de Byron à partir d'un fait historique (et illustré par un beau tableau de Delacroix!), n'est pourtant point idiot. Jacopo, le fils du doge de Venise Foscari, est accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis. Il est banni de la ville par le comité des Dix, avec interdiction pour sa femme et ses enfants de le rejoindre. En fait, il s'agit d'une machination pour mettre en place un autre doge, machination menée par un des Dix, Loredano. Cela, Foscari le sait; mais, respectueux des devoirs de sa charge, il ne s'opposera pas à la décision du comité des Dix. Il sortirait alors de son rôle de Doge. Inutile de dire que tout cela finira très mal....
Alors, on attendait d'être secoué par la mise en scène d'Alvis Hermanis, étiqueté provocateur. Ben non. On est à l'époque; les costumes des notables, un rouge éteint qui tire sur le corail, sont magnifiques; le fond de scène se déplie ou se referme comme un objectif; avec des projections de motifs ou de vues de Venise traitées en grisaille ou en sépia.
Le rideau s'ouvre sur un bas relief de pierre: un homme, le doge, appuyé contre le Lion de St Marc. Tiens, l'homme bouge? ce n'est pas une sculpture, c'est Placido Domingo. Je vous rassure: le lion, lui, est bien sculpté. Dans la scène où Jacopo voit des spectres, ce sont autant de statues de lions ailés, tous plus spectaculaires et menaçants les uns que les autres. Une bonne idée.
Bien sûr, on n'a d'yeux que pour Domingo, qui donne au vieil homme énormément d'humanité; sa voix est presque trop jeune pour le rôle.... Qu'un homme de soixante quinze ans ait encore autant de puissance et de vaillance dans la voix, cela est proprement stupéfiant;
A part cela, que la direction d'acteurs reste routinière!!! Jacopo, c'est Francesco Meli, un de ces jeunes ténors spinti italiens, belle voix, bonne diction; Lucrezia, sa femme, est interprétée par Anna Pirozzi. Rien à dire sur une voix assez brillante, mais elle représente exactement ce que le public d'opéra ne supporte plus, des gestes et des mimiques convenus, et un physique.... difficile. Bon, elle interprète une mère de famille... mais l'imaginer en Tosca, un de ses rôles, ça fait mal rien que d'y penser;
Bref: pour Domingo et parfois un certain plaisir visuel.