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Cinéphiles 44
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2,0
Publiée le 2 décembre 2017
Antoine Tounens est un juriste français du Périgord. Très intelligent et surement aussi barré, il est persuadé que son destin est d’être Roi. Après quelques recherches littéraires, il se rend compte que des territoires échappent encore à l’autorité du Chili et de l’Argentine. Nous sommes en 1860 et l’utopiste français est véritablement proclamé roi d’Araucanie et de Patagonie. Le film de Niles Atallah en est l’adaptation imagée. Car Rey - L'histoire du Français qui voulait devenir Roi de Patagonie est avant toute chose, un voyage poétique visuel d’une splendeur à la fois innovante et tellement arriérée qu’elle en devient hypnotique. Le cinéaste multiplie les effets de style pour mieux nous perdre dans les hallucinations de Rey. Malheureusement, nous n’avons pas trouvé la sortie, ni même le prémisse d’un bon chemin de compréhension. D'autres critiques sur notre page Facebook : Cinéphiles 44 et notre site cinephiles44.com
Comme illuminé, le dénommé Orélie-Antoine de Tounens, périgourdin d'origine, se posait un peu là. Convaincant aussi puisqu'il réussit à se faire élire roi d'Araucanie et de Patagonie par les indiens Mapuche du Chili. C'est son histoire qui a inspiré Niles Atallah, artiste vidéo passablement allumé lui aussi. Avec des documents d'archives, en recréant l'itinéraire de ce roi fantoche, en affublant les comédiens de têtes d'animaux ou de masques grotesques, en rayant la pellicule, en finissant par un délire psychédélique, Atallah réussit le prodige de nous surprendre sans cesse même s'il aurait pu mettre la pédale douce sur les effets spéciaux, qui lui ont demandé 7 ans de travail. En fin de compte, malgré des artifices plus ou moins appropriés, l'aventure étonnante de Tounens reprend vie dans toute sa folie mégalomaniaque.
Mieux vaut peut-être connaître déjà un peu le récit des aventures extraordinaires de ce "roi de Patagonie" pour apprécier le film de Niles Atallah, qui, avec sa narration fragmentée et ses images surréalistes, ne se "donne" pas de manière évidente et est susceptible de laisser plus d'un spectateur sur le bord du chemin. En ayant lu par exemple le roman de Jean Raspail (Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, éd. Albin Michel, 1981), on se concentre davantage sur travail expérimental du réalisateur chilien, étonnant mélange d'images d'archives et de prises de vue retraçant une épopée à la fois magnifique et pathétique, réelle et fantasmée. Où le pouvoir de l'imagination tutoie la mégalomanie et la folie. La vision d'Atallah lorgne vers la poésie et un certain mysticisme, là où Raspail tentait le réalisme social. Cela donne un objet filmique non identifié, mystérieux et envoûtant. Très beau visuellement : charme des archives, superbe vieillissement de la pellicule utilisée (le réalisateur a enterré puis déterré certaines bobines dans son jardin…), inspiration insolite de la mise en scène au travers de séquences dans la nature ou lors d'un procès dont les protagonistes portent des masques impressionnants. Alors, bien sûr, on se perd parfois un peu dans le scénario ; mais si l'on accepte d'être dérouté, ce chemin unique vaut vraiment le détour.
Enfin un film qui sort des rails, comme le personnage principal. L’image laisse parfois la place à la matière de la pellicule dans des avalanches de taches et de rayures colorées qui valent mieux que tous les effets spéciaux high-tech. On remonte par bouffées inattendues à l’innocence de Méliès, aux balbutiements créateurs de l’époque où tout était à découvrir. On passe du réalisme classique au papier mâché caricatural, du western au rêve et à l’allégorie, de la solennité des mythes antiques au dérisoire de la Realpolitik. Des images qui marquent par leur beauté et leur intensité poétique. En prime, un délire psychédélique final qui laisse loin derrière la fin de 2001 Odyssée de l’Espace. Quant à la reconstitution historique, elle est traversée de versions contradictoires, également convaincantes. Réalité et illusion ont le même poids. Des passages m’ont rappelé Shakespeare (King Lear) et Bergman (Le 7ème Sceau ), sur les questions essentielles de l’ambition et de la folie. D’autres scènes, Buster Keaton dans Three Ages ! J'ai aussi beaucoup aimé la bande-son ( bruitages, traitement des voix, piano préparé (?), choeurs célestes). Pourvu que ce film audacieux passe un jour sur Arte et touche le public qu’il mérite!