Celui qui prétendrait qu'affliger son personnage majeur d'amnésie, au cinéma comme en littérature, fait preuve de facilité narrative, aurait sans doute raison Ceci posé, Carlos Vermut n'en abuse pas dans Quién te cantará, ce n'est qu'un élément parmi d'autres dans ce labyrinthe sentimental avec effets de miroir à la clé. Moins percutant que son film précédent, le fascinant La Niña de Fuego, il est parfois un peu gâché par quelques afféteries esthétiques lesquelles n'arrivent toutefois pas à totalement détruire un film où 4 protagonistes se détachent, tous féminins. Autant voire plus que Almodovar (ne parlons pas de de Palma, cité de façon abusive par le marketing), c'est bizarrement à Bergman que l'on peut penser dans ces scènes ou seules sont présentes la chanteuse et son double anonyme (notamment celle sur la plage). Quand les deux actrices principales se côtoient, il se passe indéniablement quelque chose, pas d'ordre sensuel en définitive, mais plutôt psychologique tant ces deux femmes se retrouvent en communauté d'esprits, à partager des secrets. Le rapport mère/fille, complexe, est double dans Quién te cantará mais il n'est pas faux non plus de dire que Vermut ne concrétise pas jusqu'au bout cette connivence trouble, comme l'aurait fait un Almodovar, justement, et avec davantage de chaleur, certainement. En équilibre instable, le film chavire du mauvais côté en son dénouement, assez incompréhensible, mais pas de quoi remettre complètement en question la séduction qui opère en grande partie, en particulier grâce aux comédiennes Najwa Nimri et Eva Llorach.