Immersion au sein d’un abattoir, non pas pour y parler de la condition animale mais de la pénibilité au travail. Dangereux, sous-payé, pénible et précaire, le travail au sein des abattoirs est loin d’être une sinécure. Les ouvriers aussi appelés “opérateurs de transformation des viandes” et font partie de la catégorie socioprofessionnelle dont on parle peu, voire jamais.
Ils sont découpeur, tripier, tueur, désosseur, pareur ou saigneur et se dévoilent face caméra (impossible de ne pas repenser au Sang des bêtes (1949) de Georges Franju ou Meat (1976) de Frederick Wiseman). On y découvre leur quotidien, les gestes mécaniques que font n’importe quel ouvrier à la chaîne d’une usine d’assemblage, à la seule différence qu’ici, ils désassemblent, ils découpent et désossent. Les animaux quittent le statut d’animal vivant pour pièces de boucher, le sang gicle, les os craquent, la peau se détend, les viscères sont évacués et les carcasses finissent en puzzle sous l’oeil des réalisateurs.
Le film met en lumière un monde déshumanisé ou la rentabilité prime sur la santé des ouvriers. Avant chaque prise de poste, on assiste toujours au même rituel, les ouvriers s’échauffent comme s’ils s'apprêtaient à aller sur le ring. Au lieu de cela, ils affûtent leur lame et vont passer la journée dans le sang et les tripes. Les conditions de travail (bruits assourdissants, poste de travail qui n’excède pas les 2m², des temps de pauses limités, …) font que les démissions ou les arrêts de travail sont nombreux, mais les séquelles psychologiques le sont davantage.
Saigneurs (2015), aussi appelé "Le Sang des hommes" dans sa version raccourcie de 57min destinée à la télévision, dresse le portrait d’ouvriers qui exercent le pire des métiers et qui est bien trop souvent ignoré (voire nié) par la société.
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