Découvert par hasard sur un encartage d’une page Allociné, j’ai visionné la bande-annonce. Et je dois dire que ça m’a tout de suite parlé. Tout simplement parce quand on est parents, on est toujours sensible au devenir de nos enfants, du moins pour tous les parents vraiment dignes de ce nom. Et puis ça me semblait proche d’une réalité concrète. Alors j’y suis allé. Et je n’ai pas été déçu, même si j’attendais plus poignant encore. Peut-être est-ce dû à la caractéristique de ce film, cette caractéristique dont les premiers internautes ont parlé dans leur commentaire, à savoir la pudeur. Mais il est impossible de rester insensible au voyage de ce père éperdu à la recherche de sa première fille. Avant toute chose je tiens à préciser aux spectateurs que cette histoire aurait pu s’appliquer à n’importe quelle autre famille, quelles que soient ses origines, même si l’immigration et les difficultés qui vont avec sont succinctement évoquées. Le sujet aurait pu porter sur n’importe qui, à partir du moment où la famille est issue d’une classe sociale moyenne ou basse. Une famille qui parvient à subvenir à ses besoins tant bien que mal, et qui s’efforce d’assurer un avenir à sa progéniture. Quoique personne n’est à l’abri, vous me direz, y compris les plus nantis. Auquel cas je vous répondrai que vous avez raison. Non, pour son premier long métrage, Naidra Ayadi est allée directement à l’essentiel, se reposant sur "Le voyage du père" (de Bernard Clavel) tout en y apportant sa vision des choses, une griffe totalement assumée puisque le générique de fin spécifie bien qu’elle s’est livrée à une libre adaptation du roman. Du point de vue technique, son premier long métrage est intéressant sur bien des points. En effet, j’ai beaucoup aimé le plan flou lorsque Hakim part seul à la recherche de sa fille, comme pour transposer le fait qu’il partait dans le flou pour ses recherches. Et puis elle sait capter les émotions comme le magnifique dernier plan sur Hakim, certes bien servie par Roschdy Zem et Natacha Krief. Mais je reviendrai sur eux plus tard. Elle nous gratifie de quelques jolis plans aussi, comme cette neige qui tombe alors que Hakim rentre chez lui. Il y en a quelques autres, mais je ne vais pas tout vous dire non plus ! Ensuite, la réalisatrice est douée d’une certaine poésie, flagrante à l’occasion de la narration en voix off de Roschdy Zem en père désespéré. Mais il y a aussi quelques lacunes. Au moins une incohérence
(depuis quand on hèle les taxis dans la rue, en France ?)
mais avant tout, j’aurai aimé que le début du film soit davantage développé. Perso, j’ai trouvé la prise de décision du père un peu rapide, de la même façon que la préparation du périple a été survolée. Au moins, le spectateur aurait fait plus ample connaissance avec cette famille et aurait pu (dû ?) s’y attacher davantage. Ce qui me fait dire qu’il manque une dizaine de minutes à ce film. Cependant ce manque de développement correspond à la grande naïveté de cet homme peu expressif, qui s’est intégré comme il a pu sans faire de vagues, tout en inculquant de vraies valeurs, à commencer par le respect. Pardon deux valeurs. Le respect et la politesse. Deux valeurs très présentes dans ce film et que Hakim aura le loisir de rappeler. Tiens tiens ! "Ma fille" serait-il un film plus engagé qu’il en a l’air ? C’est vrai que tout a tendance à se perdre, de nos jours… Encore que dans le cas qui nous intéresse ici, il y a de quoi péter un câble et envoyer valser toutes les résolutions de bonne conduite quand on cherche son enfant dans les bas-fonds d’une ville de plus de 2 millions d’habitants. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin, n’est-ce pas ? Aaaah Paris ! Quelle belle ville ! Quelle bonne idée de nous la faire découvrir sous un air de musique classique. Ses monuments, ses ponts, la Seine et ses nombreuses embarcations, la Tour Eiffel… Mais comme toute grande ville où la réussite n’est pas aisée si on n’a pas un peu de caillasse et un sacré caractère et si on n’en est pas déjà originaire, il y a aussi l’envers du décor. Et c’est justement ce décor auquel va être confronté ce père inquiet. Si j’ai été voir ce film, c’est aussi pour la présence de Roschdy Zem, me souvenant de son interprétation à l’occasion de "Vas, vis et deviens" dans un rôle surprenant. A ma plus grande satisfaction, il a répondu présent. A la tête d’une famille à l’ancienne (je connais réellement des exemples),
il campe un homme peu loquace pendant que sa femme parle la plupart du temps en monologues alors qu’il se fait tranquillement son petit plateau repas devant la télé à regarder un match de foot, tandis que son épouse a entamé sa seconde journée en s’employant avec le fer à repasser. Autrement dit, le mari qui se fait servir par sa femme. Mais au-delà de ça,
il interprète un homme introverti mais animé d’une force tranquille, introverti, d’une grande sensibilité, apeuré par l’évolution de la ville en 20 ans d’absence, et surtout habité par l'inquiétude quant au sort de sa fille aînée. Le plus fort est que malgré ce caractère introverti, il parvient à faire ressentir au spectateur ses craintes, ses peurs, ses émotions sans forcément les montrer. Et même le spectateur se surprendra à éprouver de la peine pour lui, en le voyant subir sa grande naïveté qui l’empêche de se rendre à l’évidence alors que celle-ci crève les yeux. Jusqu’au moment où il doit s’y résoudre, ce qui le transforme du tout au tout en libérant sa fibre paternelle et son incroyable combativité malgré les risques liés au milieu. Et pour rendre cette histoire crédible, l’acteur n’avait pas le droit de se rater. Tout comme sa partenaire d’écran du reste. Nullement impressionnée par le statut de star de Roschdy Zem, non seulement Natacha Krief lui donne parfaitement la réplique, mais en plus elle se permet même de le bousculer. Elle a mis une telle énergie, est si brillante, que l’internaute cinéphile L’Info Tout Court regrette de ne pas l’avoir vue davantage. Mais le scénario est ainsi. A côté d’un père aimant, il aurait été incohérent de voir sa fille mineure l’accompagner dans ses recherches au sein des milieux glauques. Pour terminer, il y a cette fin que je n’attendais pas vraiment. Le journal L’express crie au dénouement bâclé. Ça se discute. Le journaliste qui a écrit l’article a sans doute oublié la notion de fierté, et raté la scène finale. Pour ce qui est de la musique, elle est assez inégale dans son ensemble malgré une musique classique assez bien vue, et une partition lancinante qui sert bien un moment de tension. Quoiqu’il en soit, on prend fait et cause pour cet homme, et la complicité qu’il a avec sa seconde fille attendrira et fera sourire le spectateur. Il faut dire que la photographie, très jolie, y contribue tant elle les met à leur avantage. Il y a même une petite once de pointe de rien du tout d’humour. Pas de quoi rire, mais on ressort avec l’impression d’avoir vu un film sympa, et surtout tout simplement vrai. Un premier film prometteur donc pour Naidra Ayadi, un film que je qualifie aussi d’utile parce qu’il permet à nos descendants de se rendre compte à quel point les parents peuvent se faire du souci pour eux.