Au vu du résumé on le comprend très vite, « Paul Sanchez est revenu ! » est un film très librement inspiré de l’affaire Dupont de Ligonnès, une affaire qui n’est toujours pas élucidé à l’heure où sort le film sur les écrans, ce n’est pas fréquent. C’est évidemment un sujet très intéressant pour qui s’intéresse aux faits divers et au-delà de ça, pour qui s’interroge sur la folie ordinaire, celle qui pousse un type normal à commettre un crime insensé. Mais le film de Patricia Mazuy, même s’il ne manque pas de qualités, laisse une impression assez étrange au final, l’impression d’un film qui aurait pu être un grand thriller, une occasion en or de faire un vrai bon film sur un sujet passionnant et qui loupe sa cible, sans qu’on sache trop pourquoi. Techniquement, même si je trouve qu’il tire horriblement en longueur sur la fin, le film ne manque pas de qualités : une belle photographie, une utilisation intelligente des décors naturels, une musique étonnante aussi. La bande originale, signée John Cale, est utilisée à contre-emploi. A base de percussions et parfois de musique de fanfare, elle est omniprésente, assez forte, mais étrangement elle fonctionne, elle apporte un plus au film, ce qui n’est pas toujours le cas. Le rythme est soutenu, il y a du suspens sans que celui-ci ne soit échevelé, et même si, comme je le disais, le dernier tiers du long-métrage laisse dubitatif, on ne s’ennuie pas vraiment. Zita Hanrot campe une jeune femme gendarme immédiatement attachante : soucieuse de bien faire, obstinée et curieuse, on sent l’idéalisme des jeune recrue qui se heurte au cynisme de ses collègues plus expérimentés. Philippe Girard qui joue son supérieur, incarne ce gendarme débonnaire, qui sait quand insister et quand laisser tomber. Je le dis tout net : je n’ai pas été convaincu par sa performance, je trouve qu’elle sonnait souvent faux, et j’ai moyennement aimé les scènes où il intervenait, parce qu’elles me semblaient surjouée et dissonantes. Laurent Lafitte incarne lui un Paul Sanchez
(mais est-bien Paul Sanchez ? Toute l’ambigüité du scénario repose sur cette question)
inquiétant et pathétique à la fois. Alternant les scènes où il est mutique avec celles où il éructe une violence verbale qui met mal à l’aise, il réussit à donner corps à une sorte de folie, de délire psychotique qui sonne de plus en plus juste au fil des minutes. Le scénario, c’est le point faible du film, c’est sur l’intrigue en elle-même que je suis réservée, très réservée. On suit l’enquête d’une jeune gendarme, qui doit s’allier pour les circonstances avec un journaliste ambitieux de Var Matin. Toute cette partie du film fonctionne, ils ont tous les deux tellement envie de croire qu’IL est revenu qu’ils négligent les indices qui pourraient laisser penser que non, il ne s’agit peut-être pas de Paul Sanchez. Les relations gendarmerie-presse sont compliquées, surtout dans une petite ville, et le film ne fait pas l’impasse sur cet aspect des choses. Parallèlement à l’enquête de Marion et Yohann Poulain, il y a cet homme dont le comportement semble erratique :
il est visiblement en fuite mais a toujours une carte bancaire et un compte bancaire, il a ses papiers d’identité, il se promène dans la ville à découvert, se connecte dans les cybers cafés, contacte un journaliste, ne craint pas d’attirer l’attention et agissant parfois bizarrement. Très vite, on se dit que c’est quand même curieux pour un type censé être en cavale depuis 10 ans et avoir toutes les polices sur le dos. C’est sur cette ambigüité que repose le scénario, il se revendique Paul Sanchez, il a un discours inquiétant, mais est-ce bien lui ? Et si ce n’est pas lui alors quelle est son histoire, est-elle similaire à celle de Sanchez ?
Le film cherche à nous mener en bateau mais il ne le fait pas avec assez de finesse, les choses finissent par s’éventer rapidement, si on est un peu malin, un peu habitué des polars et des thrillers, on se dit que le scénario de « Paul Sanchez est revenu ! » nous prend pour plus bête que nous ne sommes et ce n’est pas une impression agréable au cinéma. La fin du film, et j’entends par là tout le dernier tiers, montre
une jeune Marion dépassée par les évènements et qui agit en dépit du bon sens, ce qui pour un gendarme est bien peu rassurant.
Il faut même faire un effort pour continuer à y croire, parce que les évènements deviennent un peu surréalistes et les coïncidences fonctionnent mal. Le dénouement final, on l’a vu arriver depuis un bon moment, au contraire de la naïve Marion. Obsédée par l’idée d’arrêter l’ennemi public n°1, elle néglige des aspects que nous, dans la salle, on voit clairement et plus vite qu’elle. Je regrette un film inabouti, qui ne fonctionne que dans sa première partie, qui sonne un peu creux dans son dénouement, en résumé : un film qui rate la cible et qui laisse une impression désagréable. C’est toujours rageant de voir un scénariste « vendanger » une super idée sur le papier !