Le film des frères Foenkinos a été écrit pour Karin Viard, et il suffit de voir l’affiche et de jeter un œil à la bande annonce pour comprendre que « Jalouse » est d’abord un numéro d’actrice. On connait bien Karin Viard, son pouvoir comique, son talent, et surtout le charisme qu’elle imprime à ses rôles : quand elle est sur l’écran, souvent on ne voit qu’elle. Du coup, « Jalouse » malgré ses qualités, tourne vite en rond autour de Karin. Elle est comme on l’espérait, excessivement désagréable quand elle doit l’être (avec sa jeune collègue notamment), fragile quand elle doit l’être, émouvante même par moment. Elle compose un personnage assez complexe, souvent désagréable mais qui reste attendrissant en permanence malgré ses excès. La tendresse qu’elle porte à ses élèves, l’amitié qu’elle noue avec Monique une vieille dame rencontrée à la piscine sont autant de preuves touchantes que derrière ce masque de jalousie malvenue, Nathalie reste la belle personne qu’elle a toujours été. Autour d’elle gravite des seconds rôles plutôt bien écris et plutôt bien croqués, campé par Anaïs Demoustier, Thibault de Montalembert, Anne Dorval, Marie-Julie Baup et surtout la jeune Dara Dombroff. Cette dernière incarne la fille de Nathalie, Mathilde. Je souligne sa belle performance parce que c’est son tout premier rôle au cinéma et pour cause, elle n’est pas comédienne mais danseuse classique. Dans « Jalouse », les quelques scènes où on la voit danser sont magiques ! David et Stéphane Foenkinos nous offre un film plein de délicatesse, rythmé comme il faut même si on finit par trouver qu’il tire un peu en longueur mais ça vient surtout du scénario. Techniquement c’est proprement réalisé, la musique est agréable mais finalement assez discrète. Le scénario de « Jalouse » est une sorte de spirale qui entraine son héroïne vers l’abime de la dépression. Il n’y a bien qu’elle qui ne comprend qu’elle y va tout droit (mais je crois quand dans ses cas là, on est tout sauf lucide !).
Elle commence par dire quelques vacheries, parfois assez drôles d’ailleurs, puis elle enchaine avec des actes de malveillance parfaitement conscients pour nuire à son ex-mari (une vengeance très puérile mais qui fonctionne à plein), puis elle cherche à détruire le bonheur de sa fille, de sa meilleure amie, elle sabote de façon surréaliste un rendez-vous avec un homme qui lui plait pour finir par toucher le fond et nuire gravement à sa fille en la mettant inconsciemment en danger.
Au début on rit un peu, puis de moins en moins pour finir par ne plus rire du tout. Un début de rédemption se dessine alors, comme la fin d’un mauvais cycle laisse la place à un autre, nouveau, plus apaisé. « Jalouse » n’est qu’une variation de plus sur le thème de la crise du milieu de vie qui nous guette tous, une sorte d’ « American Beauty » version parisienne et féminine, en moins caustique et irrévérencieux quand même. Ce n’est pas que ce scénario ni même ce thème soit dénués d’intérêt, au contraire, la psychologie humaine est un puits sans fond de sujet de films et de livres et c’est, en plus, un sujet universel. Mais « Jalouse » manque de quelque chose pour taper dans le mille, cela manque de colonne vertébrale en fait. Très vite, le film tourne en rond, comme une spirale donc, les scènes s’enchainent, Nathalie est de plus en plus odieuse mais ça ne va pas beaucoup plus loin. On sent que les frères Foenkinos, soucieux de rester dans la comédie et de ne pas noircir le tableau, ne filment pas les ravages de la dépression. Il effleure le sujet, il l’aborde par la « face sud », par la méchanceté gratuite et la rancœur, mais ils se gardent bien de s’appesantir sur la « face nord » de la maladie, qui isole et qui détruit l’amour propre. Le scénario envoie Nathalie chez le psy mais lui fait fumer un énorme pétard juste avant, du coup on reste dans la comédie, même chez le psychiatre (alors que n’importe qui a mis les pieds dans un cabinet de psychiatre sait que c’est le dernier endroit où l’on rit !). Le film tente une « Happy end » douce-amère qui tombe plutôt bien, avec en toute fin une parabole sur la jalousie un peu téléphonée mais qui fonctionne. Tout bien pesé, « Jalouse » est un film agréable, parfois drôle, souvent pertinent même si il aurait pu aller plus loin dans la psychologie de son personnage : c’est bien d’avoir Karin Viard au casting, ca aurait été encore mieux que de lui donner à jouer un peu plus que du Karin Viard.