Ce qui est plaisant avec François Ozon, c'est que ses films ne se ressemblent pas. Il prend des risques et s'aventure dans des zones mystérieuses et inattendues, qui plaisent (Dans la maison, son meilleur selon moi) ou pas (Une nouvelle amie). Ici, il signe un thriller torride et malsain très loin de ses précédents films, autant dans la forme que dans le propos. J'ai mis beaucoup de temps à formuler ma critique car je n'arrivais pas à mettre des mots sur mon ressenti face à ce film très singulier ! Je crois que je n'avais pas été dans un tel état en sortant d'une salle depuis "Antichrist" de Lars von Trier. Ce qui est certain, c'est que "L'amant double" ne laisse pas indifférent : il provoque le spectateur dans ses limites du regardable et du concevable. C'est violent, vicieux, osé et parfois même désagréable. Tout part d'une rencontre entre une patiente (Marine Vacth) et son psychanalyste (Jérémie Renier), relation distante qui se transformera en histoire d'amour avant de s’empêtrer dans les mensonges et les secrets enfouis.On suit cette histoire totalement aveuglé et étouffé sous les non-dits de ce couple qui deviendra bien vite un trio avec l'apparition d'un personnage intriguant et ténébreux, en jeu de miroir total avec le personnage principal joué par Jérémie Renier. Ce dernier livre une performance étonnante, ardue et ambiguë, mettant en pratique tout son talent. Marine Vacth, très à l'aise avec son corps d'après mes souvenirs dans "Jeune et Jolie", rempile avec un personnage psychologiquement tourmenté qui se donne à nouveau à cœur joie dans des scènes corporellement débridées. Au départ, ce jeu de tentation ne laisse transparaître qu'une sensation de mystère et de suspense, mais très vite, s'ajoute à cela un aspect glauque, trash et sale où François Ozon franchit une certaine limite de la bienséance. Cette provocation franche, en plus de ranger le film dans un genre érotique, va jusqu'à l'outrance, au gore et à l'impossible. Cet acharnement de mutilation tant morale que physique nous amène à un abandon de nos propres limites, au-delà d'une quelconque psychologie ou d'un logique. On perd les personnages, on se perd et dans cette confusion, la vérité surgit, une fin que je n'attendais pas et qui donne au film toute sa cohérence. Je suis sorti de là vidé, à la fois dégoûté de ce que je venais de voir et fasciné de voir que c'était possible de manipuler ainsi le spectateur dans ses retranchements. L'idée de sortir de la salle m'a effleuré l'esprit mais la tension omniprésente du film et le scénario quand même très bien écrit nous font rester immobile, subissant passivement cette histoire qui parait totalement tirée par les cheveux ! Je reste fasciné par cette prise de risque et par ce duo d'acteur envoûtant et effrayant.