Après deux déceptions dans le cinéma de Varda voilà que je retrouve la Varda que j'aime, munie de sa caméra DV dont elle est sans doute l'une des seules avec Alain Cavalier à avoir compris son utilité cinématographique, à savoir faire des autoportraits, elle filme ces glaneurs modernes dans les champs et, plus surprenamment, en ville.
Elle se compare à Rembrandt et à ses autoportraits lorsqu'elle filme ses mains, sa vieillesse et le fait que pour elle ça sera bientôt la fin. Sans doute ne savait-elle pas que presque vingt plus tard elle serait toujours là à filmer. C'est touchant parce qu'elle parle d'elle, elle parle de sa propre acceptation de sa vieillesse.
Mais comme dit, elle n'est pas le seul sujet de son film, elle parle avant tout de ces glaneurs... ces gens qui vont dans les champs et qui ramassent ce qui reste pour leur usage personnel. Et là, comme M. Jourdain, je me suis rendu compte que j'ai déjà été moi-même un glaneur lorsque j'allais dans les champs avec mon grand-père récupérer le maïs que la moissonneuse n'avait pas réussi à prendre. Lui le faisait dans son propre champ, mais Varda nous apprend qu'on peut le faire partout, même dans les serres, une fois que la récolte a été faite, du lever au coucher du soleil. Et donc on suit ces gens qui récupèrent les tomates, les patates, les choux, les pommes, le raisin, etc.
De fil en aiguille le parallèle se fait avec d'autres glaneurs modernes à l'image sans doute moins romantique, ceux qui font les poubelles, ceux qui récupèrent les pommes dans les cageots à la fin des marchés, ceux qui font de la récup'.
Le lien fait sens, qu'on soit dans le besoin ou non (et Varda va principalement s'attarder sur ceux qui font ça par choix et non pas par nécessité), c'est une lutte du quotidien contre le gaspillage, contre la consommation à outrance, contre un consumérisme exacerbé que de récupérer ce que la société marchande considère comme invendable, une pomme trop petite, une patate trop grande, un yaourt périmé d'un jour, des télévisions, des meubles, etc.
Quelque part le film à mettre en relation avec le court métrage L'île aux fleurs qui dénonçait de manière bien plus frontale ce mode de consommation et montrait cette récupération avec les habitants des mets encore consommables.
Chez Varda c'est fait sans cynisme, avec beaucoup de bienveillance puisqu'elle se considère elle-même comme la glaneuse de son titre. Elle prend le temps de filmer les petits riens, de donner un peu la parole aux gens, d'observer, mais surtout de faire ce qu'on ne fait plus : parcourir la France... Il n'y a que Depardon ou elle pour faire ça aujourd'hui. Si elle montre bel et bien des villes et comment y glaner, elle ose franchir le périphérique, sortir de l'île de France pour y montrer le terroir et ça c'est beau... les compagnes françaises... et rien que pour ça c'est déjà un bon film, car il met en valeur le territoire.
J'ai hâte de voir la suite, si je la trouve, deux ans après...