Adapté d'une pièce de théâtre d'Oriza Hirata, ce film est tout imprégné de préoccupations, de peurs, voire de hantises, récurrentes chez beaucoup d'artistes japonais. L'histoire se déroule dans un avenir proche, nous est-il expliqué dans une des notes du réalisateur, mais on ose espérer qu'il ne s'agit pas de prémonition. On ne peut imaginer pire scénario en effet puisqu'il est question d'une attaque terroriste massive sur 13 centrales nucléaires du Japon. La conséquence, c'est que le pays tout entier est en voie d'évacuation, mais en suivant un ordre de priorité.
Les citoyens de second rang, parmi lesquels Tania, une jeune femme originaire d'Afrique du Sud, risquent de devoir attendre longtemps leur billet de départ. Déjà gravement malade de toute façon, elle ne cherche même pas à s'enfuir. Elle passe la plus grande partie de son temps dans sa maison, sauf quand elle reçoit la visite d'une amie ou du jeune homme qui est amoureux d'elle. Elle n'est pas vraiment seule cependant puisque veille sur elle un robot androïde appelé Leona, qui ne se déplace qu'en fauteuil roulant, ses membres inférieurs n'étant plus en état de fonctionner.
Ce qui surprend beaucoup, c'est que, malgré ses thèmes terrifiants (explosion de centrales nucléaires, destruction d'un pays, évacuation des populations), le film reste presque constamment paisible, voire même contemplatif, au risque de provoquer beaucoup d'ennui chez certains spectateurs. Pour ce qui me concerne néanmoins, je n'ai rien ressenti de tel, car la réalisation de Koji Fukada peut aussi générer non seulement de l'intérêt mais de la fascination. Malgré son sujet, le film, le plus souvent, ravit par sa beauté et son étrangeté. Quand il filme un rideau agité par le vent ou les cheveux blonds de Tania éclairés par un rayon de soleil, c'est la grâce elle-même que le réalisateur nous donne à contempler.
Ce qui l'intéresse, ce sur quoi il met l'accent, ce ne sont pas les scènes spectaculaires (il y en a très peu), mais l'approche lente de la mort. L'étrangeté du film, ce qui provoque l'étonnement et peut-être la gêne, c'est qu'il est question de deux morts, celle d'un être humain et celle d'un robot androïde, et que ces deux agonies et ces deux morts nous émeuvent presque autant l'une que l'autre. Si Leona est un robot, elle n'en a pas moins l'apparence d'un humain, d'une femme, et elle n'en semble pas moins être dotée d'une sorte de sensibilité qui lui faire dire des poésies à Tania (des poèmes japonais mais aussi « Le Bateau ivre » d'Arthur Rimbaud!).
Difficile de ne pas être troublé, dérangé, perturbé mais aussi envoûté par ce film. Un robot qui contemple le dernier les beautés de notre monde : est-ce ainsi que tout finira ? 7,5/10