Magnifique film qui nous parle du Liban comme jamais on ne l'a fait. C'est une parabole qui nous fait comprendre le Liban, ce pays qui tient avec des rustines..... mais qui tient, quand même.
C'est un quartier chrétien de Beyrouth. Toni (Adel Karam) possède un garage; tout va bien, avec des difficultés quotidiennes pour se procurer les pièces détachées.... Sa jeune femme, Shirine (Rita Hayek) est enfin enceinte.
Il y a des travaux de rénovation dans le quartier. Ils sont effectués par des Palestiniens, dirigés par un contremaître palestinien. On n'a pas le droit de les embaucher; ils n'ont pas de droit légal au travail. Mais on comprend que tout le monde s'en fiche: ça coûte moins cher et c'est très bien comme ça. Yasser, le contremaître (Kamel El Basha) est un homme sérieux. Il était ingénieur, avant de se réfugier au Liban; il y a épousé, d'ailleurs, une chrétienne. Ces deux là auraient, en fait, tout pour être copains. L'un et l'autre, ils en ont bavé. Car Toni est un rescapé des massacres de Damour. En 1976, des milices palestiniennes -on n'a jamais su exactement lesquelles, car il y avait plusieurs organisations, tout aussi enragées les unes que les autres- ont massacré des centaines de personnes dans des villages chrétiens au cours de la guerre civile libanaise. C'est un souvenir qu'il refoule obstinément, dont il ne reste qu'une chose: il hait les palestiniens. Il milite dans un "Parti Chrétien" dont le dirigeant tient des discours d'une violence ahurissante, des discours de haine.
L'échappement d'eau de la terrasse de Toni tombe directement dans la rue -sur les passants. Yasser fait faire une dérivation extérieure, très propre qui permet à cette eau de finir dans un conduit d'évacuation. Toni la détruit, et à ce moment là, comme nous ne connaissons pas encore le passé de l'homme, nous nous disons que c'est un sale con: c'est exactement ce que lui répond Yasser; c'est l'Insulte, à partir de quoi un enchaînement de rancoeurs, d'excès va conduire les deux communautés à une véritable guerre civile.
Tout d'abord, l'employeur de Yasser le persuade qu'il doit faire des excuses pour que les choses en restent là. Il s'y résout, à reculons, est mal reçu, Toni profère cette phrase terrible "Ariel Sharon aurait dû tous vous faire disparaître". Yasser lui rentre dedans, bilan: deux côtes cassées. Procès. Le premier se passe devant une sorte de justice de paix, qui déclare un non-lieu. Toni fait appel, et là on passe à la phase supérieure. Le Parti Chrétien lui trouve un avocat, un vieux roublard qui n'a pas peur de la démagogie (Camille Salamé). Une jeune avocate (Diamand Bou Abboud) s'engage alors auprès de Yasser, qui n'a pas de quoi se payer un défenseur. On se retrouve donc, en un peu plus folklorique, dans un de ces films de prétoire où normalement les américains excellent, mais Ziad Doueiri sait nous tenir en haleine. Dans la rue, jeunes Palestiniens et jeunes Chrétiens en viennent violemment aux mains.
On n'en dit pas plus pour ne pas déflorer le film et son message humaniste; comme le dit l'avocat: le problème vient de ce que les Palestiniens sont reconnus comme des victimes par la communauté internationale; mais le sort des communautés chrétiennes au cours de la guerre civile n'a jamais été, lui, suffisamment pris en considération. Et le rapport de ces jeunes hommes qui, je le répète, avaient a priori tout pour s'entendre, est obéré par des conflits anciens qui n'ont jamais vraiment été réglés; le pays étouffe de son passé.
A voir de toute urgence par tous ceux qui s'intéressent à la géopolitique et... par les autres car c'est aussi une histoire pleine d'action et de rebondissements.