Voilà un film intriguant, personnel, différent.... que l'on doit à la hongroise Ildiko Enyedi dont, je dois dire, je n'avais jamais jusqu'ici entendu parler!
C'est un film entièrement basé sur un jeu de contrastes. Liberté /claustration, pureté /trivialité, douceur /violence, réalisme /onirisme, nature /enfermement, blanc (neige) /rouge (sang)...
Endre (Morcsànyi Géza), homme d'une cinquantaine d'année qui traîne un bras gauche inerte, dirige un abattoir. A vrai dire, il ne bouge pas de son bureau, il ne met jamais les pieds dans les salles de découpe; il a pitié des animaux. A Sandor (Ervin Nagy), jeune bellâtre, qui se présente pour une embauche, il demande s'il a pitié des animaux qu'il abat. Pas du tout! Et pam! répond le jeune crétin, pour bien montrer son insensibilité...
Màri (Alexandra Borbély) vient remplacer une employée partie en congé de maternité au poste de contrôle qualité. Elle est bizarre, psychorigide pour elle (nourriture dans l'assiette géométriquement arrangée, miettes aussitôt éliminées) comme dans son travail. Elle ne parle à personne, ne veut pas qu'on l'appelle par son prénom et surtout ne supporte aucun contact. On apprendra qu'elle est suivie par un psy depuis son enfance. Sans doute souffre t-elle d'une forme légère d'autisme.
Un incident (un mauvais plaisant a mis de l'aphrodisiaque pour vaches -l'abattoir fait aussi plus ou moins clandestinement des inséminations- dans la nourriture de la cantine, d'où une soirée orgiaque).... entraîne le passage de tests psychologiques pour le personnel, effectué par une psy fort gironde (Réka Tenki) qui pose des questions gênantes, et en particulier, s'intéresse aux rêves. C'est ainsi que Màri et Endre apprendront que, nuit après nuit, ils font le même rêve. Un cerf et une biche, marchant dans une forêt enneigée, traversant un cours d'eau, s'arrêtant près d'un petit lac. Le cerf aide la biche à trouver un peu d'herbe sous la croûte neigeuse; en buvant, leurs mufles se rapprochent. Le cerf pose doucement, tendrement sa tête sur le dos de la biche.... C'est le monde opposé à celui de l'abattoir (sachez le, les images en sont presque insoutenables; les animaux entassés, la terreur dans les yeux de la vache lorsqu'elle se trouve prise dans la cage qui l'immobilise, ces pauvres corps sales d'avoir piétiné dans la boue et la bouse attachés à des crochets, le sang qui gicle.... âmes sensibles, abstenez vous). La neige de la forêt rend le spectacle encore plus pur. Le monde du rêve opposé à la triste réalité....
C'est une idée magnifique qui m'a réellement envoûtée. Ce film ne ressemble à rien de ce qu'on a pu déjà voir. Il faut le voir!