J'aime beaucoup le cinéma de Laurent Cantet, notamment Entre les murs et Foxfire et j'attendais beaucoup de cet Atelier. J'imaginais voir une sorte d'Entre les murs mais au soleil du sud de la France. Sauf que bien vite Cantet va dévier de ce dispositif qu'il connaît déjà et que nous spectateurs connaissons aussi également, mais je ne trouve pas nécessaire que ce déviation soit des plus pertinente.
En effet on va donc suivre une jeune qui n'est pas d'accord avec les autres membres de l'atelier sur la direction que le roman qu'ils doivent écrire doit prendre. Le problème est que la violence que semblent ressentir les autres je ne la sens pas, son texte qui fait polémique dans le film car il serait complaisant avec le meurtrier ne me choque absolument pas. En outre, je pense qu'il a raison, qu'il est difficile de décrire un meurtre si on n'a pas soi-même pensé à tuer et que si on écrit sans avoir cette envie de meurtre et bien nos meurtres fictifs vont paraître faux, sophistiqués, mais sans jamais réussir à faire voir au lecteur ce qu'il se passe dans la tête d'un meurtrier.
Mais en suivant ce jeune Cantet va aller trop loin, sa relation avec Marina Foïs va devenir un peu trop écrite et on perd la spontanéité qui faisait le charme et le qualité du film. En fait j'ai l'impression que chaque scène, sauf quelques unes qui suivent Antoine, sont indépendamment très bonnes, vraiment libres, où la discussion est à chaque fois intéressante, où les réactions sont vraies, mais que le tout mit bout à bout me semble parfois dire des choses un peu éculées.
Par exemple le film s'ouvre sur The Witcher 3, pas quelqu'un qui joue, mais juste Geralt qui parcourt Skellige et qui se met se battre dans le vide et la scène dure plusieurs secondes. Cantet montre ce qui se passe dans le jeu, il prend le temps. Il fait de même avec tout. Mais vu que le thème du film est la violence chez ce jeune, est-ce-que l'on n'a pas là un vieux serpent de mer sur les jeux vidéos qui rendent violents ? Sauf si on est sur l'ennui, lorsqu'on s'ennuie dans The Witcher, que l'on a fini d'admirer les magnifiques paysages, comme le héros de notre film, on se met à tirer dans le vide, à se battre contre un ennemi imaginaire, juste comme ça, pour passer le temps.
Il en va de même pour ce que peut dire Foïs, où j'ai l'impression d'avoir Cantet qui nous dit : « j'ai écrit un personnage raciste, mais en fait c'est pas moi, j'ai le droit d'écrire un personnage raciste pour le critiquer ». Bon heureusement le film est plus subtil que cela et on se prend vraiment à apprécier le personnage d'Antoine pour ce qu'il est, quelqu'un qui a besoin de bouger, qui s'ennuie, qui doit faire quelque chose.
Aussi, je ne sais pas si le choix de la Ciotat est anodin... alors forcément on pense au film des frères Lumière, mais pas que, je pense surtout à ce chantier naval, on a clairement un film qui est là pour casser certaines thèses d'extrême droite en plaçant les immigrés dans le camps des travailleurs qui ont tout perdu lorsque le chantier naval a fermé, mais sans forcément la jouer moralisateur.
Le film pose les bonnes questions sur ce que c'est que d'être jeune et de ne plus trouver sa place dans un monde où tout semble foutre le camp.
Donc je suis un peu partagé, car le film est vraiment bien sous certains aspects, notamment le discours final d'Antoine et la réaction des autres est vraiment très bonne, tout comme la scène finale, mais que parfois ça va trop loin, lorsqu'on suit Antoine et ses amis aller essayer des armes, espionner, ou aller encore plus loin... j'ai l'impression qu'on sort du cinéma naturaliste que j'aime chez Cantet, ce moment où il n'y a pas réellement d'intrigue, où on suit juste des personnages intéressants parce qu'ils existent en vrai.
Mais ça reste un bon moment malgré tout.