Non, ce n’est pas la lenteur du film qui m’a gêné – ce serait même plutôt à mes yeux une de ses seules qualités – ; ce ne sont pas les références et propos culturels ou intellectuels, qui en eux-mêmes auraient pu apporter de la profondeur… mais qui ici, dans leur artificialité travestie restent vains et insipides ; ce n’est pas l’été italien, qui fait ce qu’il peut pour sauver une ambiance tellement affectée et lui donner une sensualité qui lui manque essentiellement ; ce n’est pas la bande son, quoi qu’elle participe souvent de l’esthétisme convenu, bridé et peu honnête de l’ensemble… C’est surtout justement ce manque d’honnêteté, artistique et esthétique avant tout, mais peut-être psychologique aussi. Je ne parle pas de morale.
Je parle d’acteurs qui ne sont pas des acteurs, mais des poseurs – sans que je leur en attribue la responsabilité : on les a dirigés ainsi et ils se sont acquittés de leur tâche le moins mal possible. Je parle d’une pudeur calculée jusqu’à en être obscène, qui parcourt tout le film, dans les cadrages, dans les dialogues, et puis qui laisse la place de temps en temps à un propos pictural et scénaristique d’autant plus vulgaire qu’il prétend justement échapper à la vulgarité. Je parle de l’absence de sensualité authentique, de passion authentique, d’intelligence authentique… ce qui en tient lieu : des postures et des gestes de statues faussement sexuées, des propos sentimentaux aux rares non-dits tellement criants qu’ils sonnent tout aussi faux, des clins d’œil artistico-culturels dont le naturel purement apparent est pire qu’une pédanterie assumée. Je parle de la vacuité quasi constante des dialogues….
Le film a été encensé. Sans doute souvent avec sincérité et conviction. Mais au fond, même derrière cette conviction sincère, ne faut-il pas faire la part de l’opinion bienpensante et de l’air du temps ? Un film explicite mais clean sur l’homosexualité, esthétique et apparemment cultivé, cela ne pouvait qu’entraîner l’adhésion du plus grand nombre ! Une histoire d’amour fine et belle… Eh bien non, ce n’est pas du tout ce que j’ai vu, mais une histoire d’hormones, sous plusieurs couches de vernis bon marché… Adèle, Brokeback ou Dolan, par exemple, ont plus d’âme !
Et qu’on ose comparer ça à l’intelligence de Rohmer ! Rohmer atteint la légèreté et la profondeur à travers les dehors de la superficialité et de l’artifice apparemment maladroit. Ici, le film suit en quelque sorte le chemin inverse. Je ne sauverai de cette débâcle que l’ultime plan, sur le générique de fin…
Ce visage pour une fois moins poseur, ce dos tourné à l’hiver et au quotidien que sera le futur d’Elio dans une société pas encore prête, ces yeux brûlés encore par le feu de ce que j’ai eu toutefois bien du mal à identifier à celui de la passion tout au long du film… ce visage et ces yeux tournés vers ce feu, mais dans une position qu’il ne saurait tenir désormais bien longtemps…