Qu’il est beau, qu’il est tranquille, le petit monde préservé des personnages de ce film ! S’il n’y avait pas une ou deux allusions à leur judéité, s’il n’y avait pas une très courte scène de discussion au sujet de la vie politique italienne, on se croirait presque hors du temps et hors de toute réalité autre que présomptueuse et dérisoire. Car, chez ces gens-là, on peut disserter sans fin sur Bach et Busoni, sur l’« Heptaméron » ou encore sur Buñuel et le surréalisme et l’on peut s’extasier en contemplant les statues de Praxitèle. Nous sommes bien à l’abri, protégé des turbulences, en compagnie de gens bien éduqués, savants et ayant tout loisir de profiter de la sereine oisiveté de l’été.
Évidemment, pour faire un film, il faut un grain de sable pour troubler, tout de même un peu, la quiétude des estivants. Ce grain de sable a l’apparence d’un bel homme nommé Oliver (Armie Hammer), si bel homme qu’il séduit Elio (Timothée Chalamet), 17 ans, le garçon de la maison. Et voilà ! Le film narre interminablement le désir et la passion qui déchirent le cœur du jeune homme. La fascination et l’attirance sont d’autant plus grands que, comme on est en été, les protagonistes s’exhibent la plupart du temps à moitié nus. Le jeu des corps et la puissance érotique fonctionnent à plein régime, si l’on peut dire.
Cette histoire, plutôt banale en fin de compte, est aussi, malheureusement, filmée le plus souvent d’une manière banale. Certes il n’y a rien à reprocher aux acteurs, surtout pas à Timothée Chalamet qui est parfait. Mais les choix de mise en scène m’ont paru très quelconques. Ainsi, lorsque a lieu la première étreinte physique des deux amants, la caméra, pudiquement, se détourne pour filmer… un feuillage. On ne peut pas imaginer plan plus insignifiant. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. En fin de compte, s’il faut, parmi les films sortis récemment sur les écrans, en choisir un auquel associer le qualificatif d’anecdotique, c’est ce film-ci qu’il faut choisir (et non pas « Lady Bird » comme je l’ai absurdement lu sous la plume de certains commentateurs !).