Au début, il est difficile de prendre avec beaucoup de sérieux cette énième romance homosexuelle mise en scène par le fétichiste Luca Guadagnino, signant ici une adaptation d’un roman d’André Aciman. Pourtant, rapidement, « Call Me by Your Name » commence à gagner notre cœur en se développant comme un film quasi organique, où seul l’amour est au premier plan. Cadré dans une Italie estivale et bucolique, ce film, parmi les favoris à la prochaine cérémonie des Oscars, n’a d’autres ambitions qu’une simplicité absolue dans tous ses choix, et notamment narratifs. Quitte à se dépêtrer d’enjeux, le film met avant tout l’accent sur une subtile étude du désir unissant ces deux jeunes hommes, ici traitée de manière quasiment naturelle. Cette relation entre Elio et Oliver met du temps à se consentir, mettant en avant le décor d’une vieille villa méditerranéenne, formant un paradis perdu extatique, embellie par le rythme lent et radical adopté par le réalisateur. Et finalement, cette prise de risque nous va très bien, puisqu’elle souligne avant toute chose cet érotisme fou liant cette relation empoignée de manière physiologique. « Call Me by Your Name » est une exégèse des cœurs face à laquelle il est impossible de ne pas penser au naturalisme de Jean Renoir ou de Rosselini. Guadagnino parvient à nous faire ressentir chaque sensation, chaque odeur, chaque envolée lyrique, en maitrisant toute la simplicité de son histoire pour laisser au spectateur la faveur de ressentir toute la tendresse qu’il nous offre.
Eclatement serein des souvenirs brulants, « Call Me by Your Name » s’impose à la manière d’une romance solaire et amplement subjective, au sein de laquelle chaque personnage est finement étudié. On ne peut que prendre un immense plaisir en voyant la manière avec laquelle Guadagnino traite son histoire, puisque la majeure partie du film se déroule à l’intérieur même des protagonistes, dans leurs « moi » et leurs émois, mais aussi dans leurs regards. C’est peut-être ce qu’il y a de plus galvanisant dans « Call Me by Your Name », cet intimisme permanent, résistant à la tentation de la facilité. Jamais un quelconque enjeux ne fait son apparition, sauf ceux consistant à lier la force des sentiments et le magnétisme du désir. Et l’amour est ici amené sur un ton aussi insidieux qu’incendiaire, mettant en scène avec évidence et abstraction cette bouleversante découverte des sentiments. Elio-Oliver, Oliver-Elio, cette fusion à la fois pudique et sensuel nous laisse revenir sur le titre du film : « Call me by your name », en référence à une réplique prononcé par Oliver. Cette phrase serait fondamentalement ridicule s’il s’agissait là d’une relation hétérosexuelle, et elle représente très bien le film dont elle est l’objet, écrasant la raison pour sublimer le regard. Guadagnino, avec une intelligence thermique, parvient à attribuer à son film un avant gout de rêverie, mettant en exergue une bouleversante éducation sentimentale, emplie de tristesse, mais se regardant comme une vague solaire. Eblouissante manifestation du désir, « Call Me by Your Name » capture avec fidélité la douceur d’un amour d’été, reflétant la toute-puissance du rythme de la vie ainsi que l’éveil charnel. Envoutant.