Deux heures et onze minutes… Voilà à quoi je pourrais résumer le problème de ce « Call Me By Your Name ». Parce que bon, si je fais bien le compte, au final, il n’a quand même pas grand-chose à proposer ce film. OK, ça peut toujours être sympa de faire un petit film basique avec des choses très simples comme c’est le cas ici avec cette très classique histoire d’amour pétrie d’interdit social. Après tout, si c’est frais, sincère et généreux, moi je peux être capable de dire « pourquoi pas… » Mais là, c’était juste « Mission : Impossible » pour Luca Guadignino que d’espérer atteindre ces objectifs là en étalant sur 2h11 si peu de contenu ! Parce qu’à bien tout prendre, par quoi sont occupées ces 2h11 ? Par de longs repas, de longues balades en vélo, de longues discussions durant lesquelles les deux héros piétinent à faire avancer leur relation… Alors certes, peut-être que si Luca Guadignino a décidé de raconter son histoire avec autant de temps longs, de redondances et de scènes illustratives du quotidien, c’est parce que le roman original dont est tiré ce film est lui-même pétri de temps longs, de redondances et de scènes illustratives du quotidien. Il n’est d’ailleurs pas impossible que tout ça se ficelle très bien dans le livre d’André Aciman (pour le coup je ne pourrais pas vous le dire puisque je ne l’ai pas lu), mais là, en format long-métrage, je suis désolé, mais le travail d’adaptation n’a – à mon sens – pas été accompli comme il se devait. Le travail d’adaptation, ça implique de questionner la structure du récit par rapport au média qu’on utilise. Or, le cinéma ce n’est pas une œuvre qu’on parcourt en plusieurs fois, au gré de nos temps de lecture, et pour lesquels les cycles narratifs peuvent avoir du sens. Un film se voit d’un bloc sur un temps très court. La dynamique n’est donc pas la même. Une progression en longues plages qui se répètent comme c’est le cas dans ce « Call Me By Your Name » c’est juste terriblement plat. Parce que ce n’est pas comme si on ne connaissait pas le schéma narratif. On comprend très bien et très vite de quoi il retourne. Alors du coup, quand il faut attendre plus d’une heure pour qu’enfin le désir commun des deux protagonistes soit avoué, c’est trop LONG. Si encore ce temps là avait été occupé à enrichir l’univers et les personnages, j’aurais encore pu dire « pourquoi pas ». Mais non. A la place, Luca Guadignino nous propose donc de longues illustrations de scènes de vacances qui ne servent qu’à entretenir un vaste décorum intello-judéo-bourgeois qui, pour le coup, n’alimente en rien notre compréhension des personnages ou ne nuance en rien la nature de la relation qu’entretiennent Elio et Oliver. Ainsi, non seulement le film s’alourdit de détails périphériques inutiles et redondants, se réduisant parfois à un véritable film de vacances, mais en plus il ne parvient jamais à aller au-delà de la simple multiplication d’illustrations y compris en ce qui concerne la relation entre Elio et Oliver ! Parce qu’on en verra des scènes où Elio et Oliver se cherchent et/ou se font des papouilles ! Ah ça ! On est gâtés ! Maintenant, à savoir ce qu’Elio trouve à Oliver et ce qu’Oliver trouve à Elio : pour le coup, on repassera ! En gros, on nous montre dès les premières minutes qu’Elio a le crush pour Oliver parce que ce dernier est gaulé comme un athlète olympique. Allez… Peut-être que l’étalement de culture du bel Oliver sur l’étymologie du mot « abricot » a sûrement aussi joué sa part (Ironie). Quant à Oliver, eh bah… Eh bah on ne sait pas en fait. Ce mec est un véritable mur émotionnel toute la première moitié du film. Tout ce qu’on comprend de lui par rapport à ce qu’on nous montre c’est que c’est juste un indécrottable queutard prêt à se taper n’importe qui, tout sexe confondu, pourvu que ses cibles ne dépassent pas vingt ans. Et tout ce qu’on découvrira de lui dans la deuxième partie, eh bah c’est tout simplement qu’en fait Oliver aimait Elio depuis le début… Mais bon, sans que pour autant on puisse comprendre pourquoi. Seul détail troublant : il demande à Elio de l’appeler par son nom. Certains y voient peut-être un magnifique acte fusionnel. Moi j’y vois surtout un gars qui prend son pied en appelant son partenaire sexuel par son propre nom. Ça aurait dû être quoi l’étape d’après ? « Mets un miroir sur ton visage ? » Bref, moi, j’ai quand même du mal à y voir du glam dans cette relation… Alors après, qu’on s’entende bien. Quand je dis tout ça ce n’est pas pour exiger d’un film qu’il construise forcément deux personnages adorables et qu’il nous explique ensuite tous les tenants et aboutissants de leur relation amoureuse. Non. Que le film entretienne une part de non-dit, ça a du sens. Mais d’un autre côté, il a aussi la possibilité de suggérer des choses. Un film qui nous raconte une histoire d’amour a la possibilité de nous ouvrir un espace pour que nous, spectateurs, où on va pouvoir partager, questionner, contredire les personnages et les actions qu’on nous montre à l’écran. Ça s’appelle l’interaction avec l’œuvre. Ou mieux encore, ça s’appelle l’immersion dans l’œuvre ! Or, comment voulez-vous que je m’immerge si on reste sans cesse en surface et qu’on ne me donne rien pour creuser personnellement la question ? Alors certes, c’est vrai on peut aussi juste s’immerger du simple fait de voir des gens se bisouter sans qu’on sache vraiment pourquoi, juste pour le plaisir de l’émotion et des scènes coquines. Oui, on peut. Au Japon, ça porte même un nom ça : on appelle ça un « yaoi ». Alors après pourquoi pas. Moi, même si je ne suis pas fan du genre, je n’ai rien contre les yaoi. Mais quitte à en faire un, dans ce cas-là autant le faire bien. On arrête de tourner autour du pot pendant une heure. On est cohérent dans sa réalisation jusqu’au bout (pourquoi panoter pudiquement lors d’une scène de sexe explicite et faire un cadre dégueulasse sur un arbre en pleine nuit quand cinq minutes plus tard tu oses filmer une fellation plein champ ? Où est la logique ?) On essaye de ne pas faire n’importe quoi techniquement, même si c'est dans l’espoir de briser artificiellement la monotonie du film (genre en inversant les couleurs de manière totalement injustifiée sur certains plans ; de filmer certains baisers sans que le point ne soit fait convenablement ; ou bien encore d’insérer aléatoirement dans l’intrigue un plan dégueulasse où on dévale un chemin terreux comme si on était le guidon d’un VTT… Non seulement c’est hideux, mais en plus ça n’apporte rien.) Et surtout, on monte son film et on pense ses scènes de telle manière à ce que toute tension sexuelle ne retombe pas dans l’instant ! (
Moi je cherche encore la logique qu’il y a dans le fait de commencer une fellation puis de l’arrêter dans l’instant en disant : « Ah super tu es encore capable de l’avoir dure ! Allez ciao bello ! » Même chose dans cette scène avec la pêche qui m’a refilé un véritable fou-rire tellement je l’ai trouvé ridicule et téléphonée.
) En somme, j’avoue qu’au final, je suis ressorti de ce « Call Me By Your Name » plus que dubitatif. Et ce qui me dérange le plus dans tout ça c’est que, au regard des cinq dernières minutes, je me suis dit qu’il y avait pourtant moyen d’en faire un film sympa. Au fond, le film n’est pas si prétentieux que cela. Il aurait d’ailleurs pu être simple et léger. Mais bon, pour cela il aurait fallu faire les bons choix et ne pas enkyster de partout ce film de détails « trendy » qui l’alourdissent et le rendent franchement ridicule. Il aurait fallu virer toutes les discussions bobos superflues dans la maison ou autour de la table ; il aurait fallu raccourcir drastiquement ou enrichir considérablement la phase où Oliver et Elio se tournent autour. Et surtout il aurait fallu virer toutes ces scènes qui ne sont là que pour faire du « Oulala ! Vous avez vu ce qu’on ose ! » et qui tombent régulièrement à plat. On aurait alors obtenu un film de 40 minutes plus que convenable, qui aurait donné autant d’impact à sa fin, mais avec l’ennui et le ridicule en moins… Mais bon, malheureusement ce film qui aurait pu exister n’existe pas. A la place, dans les salles de cinéma, c’est donc la version de 2h11 de Luca Guadignino qui est diffusée. Et ça, oui, pour le coup, c’est quand-même un sacré problème… Mais bon, après ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)