L'idée des Filles d'Avril est née lorsque Michel Franco a vu une adolescente enceinte dans les rues de Mexico il y a quelques années. Ce fait très courant dans cette ville mexicaine a provoqué une émotion contradictoire chez le metteur en scène. Il se rappelle :
"Cette jeune fille a vraiment attiré mon attention, elle semblait à la fois comblée et souffrir le martyre, pleine d’espoir mais également terrorisée… On la voyait belle et heureuse, mais ça ne compensait pas l'incertitude de son avenir et on se demandait dans quelle mesure elle était préparée à affronter ce que signifie avoir un enfant, comment elle en était arrivée là. Ces contrastes, toutes ces émotions que cette adolescente exprimait en même temps, furent l’une des bases de l'histoire."
Par ailleurs, Michel Franco est également fasciné par par les relations conflictuelles que tant de parents ont avec leurs propres enfants, comme s'ils refusaient d'accepter le temps qui passe : "Ce déni, ces variations dans la dynamique de la famille, peuvent mener au chaos. Ces deux éléments ont donné naissance à ce film."
A l'origine, Michel Franco voulait réaliser le film aux Etats-Unis avec une actrice assez célèbre (dont il n'a pas divulgué le nom), mais il a finalement choisi de faire Les Filles d'Avril avec Emma Suarez et en langue espagnole. Le cinéaste précise : "Lorsque j'ai décidé d'ancrer l'histoire au Mexique, l'idée de l'actrice américaine m'est restée dans la tête et j'ai pensé que la mère absente pourrait être étrangère. Je me suis alors demandé quelle était la meilleure actrice hispanophone... Emma Suarez, bien sûr ! L'intuition, le talent et la dévotion d'Emma Suarez sont évidents dans le film."
Emma Suarez voit Avril comme l'un des personnages les plus difficiles qu'elle a eu à jouer, parce qu'il est, selon elle, aux antipodes de ce qu'elle est dans la vie. La comédienne confie :
"C'est justement ce qui m'a attirée dans ce projet. J'avais vu le travail de Michel Franco, notamment Despues De Lucia, puis j'ai lu le scénario qui a suscité chez moi non seulement l'envie mais le besoin de faire ce film, audelà d'une réflexion intellectuelle, c'est devenu une émotion viscérale. Cela a été un travail complexe car j'ai dû lutter contre moi-même. Il ne fallait pas, comme le souligne Michel, en faire une méchante. Il m'a fallu un effort de réflexion pour trouver le moyen d'imposer ce personnage et y faire adhérer le public, en jouant sur son instabilité, son manque de cohérence, mais aussi sa force de séduction. Et au-delà de ses agissements, avec l’idée que souvent lorsqu'on essaye de protéger nos enfants, on agit involontairement à l'encontre de ce qui serait le mieux pour eux, tout en ayant la certitude de leur venir en aide."
Pour gagner en crédibilité, Emma Suarez, Ana Valeria Becerril et Joanna Larequi ont fait connaissance en vivant ensemble dans la maison où le tournage s'est déroulé. "Elles ont appris à se connaître et ont créé des liens ensemble. A chaque nouvelle scène tournée, elles en savaient plus sur leur personnage et leur passé que moi-même… Elles m'ont étonné en m’expliquant des choses au sujet de leurs personnalités", explique le réalisateur Michel Franco.
"Mateo est un homme vulnérable, il est plein d'incertitudes et manque de confiance en lui. Il est dans une totale confusion face à des situations nouvelles, vis-à-vis desquelles il ignore comment agir, car il se retrouve engagé dans un terrain inconnu. Dans un pays comme le Mexique où être machiste est si important – comme dans le reste de l'Amérique Latine - je pense que c'est aussi faire preuve d’ouverture d’esprit que de montrer qu'il existe en effet des hommes plus vulnérables…"
Pour mieux cerner son personnage, Ana Valeria Becerril s'est penchée sur la question des filles-mères. La comédienne a ainsi investigué pour connaître le coût qu'implique d’avoir un enfant, le prix d'un accouchement, la grossesse, jusqu'à découvrir les raisons pour lesquelles il y a une telle quantité d'adolescentes enceintes au Mexique, alors que tant de moyens de contraception sont mis à disposition.
"Il s'avère que ni la scolarisation ni le niveau social n'entrent en ligne de compte et que la première raison invoquée par ces jeunes filles non seulement pour tomber enceintes mais aussi pour garder leur bébé est de se sentir moins seules. Pour avoir quelque chose qui leur appartient. Je ne sais pas si cela se produit à l'échelle mondiale mais cela en dit long sur le dysfonctionnement de la famille et c'est d'autant plus étrange que les familles latino-américaines sont plutôt considérées comme étant chaleureuses", se souvient Ana Valeria Becerril.