Brooklyn Yiddish est sorti il y a déjà deux mois…c’est probablement une des première fois qu’une caméra plonge dans cette minorité ultra-orthodoxe de Borough Park, l’un des quartiers de Brooklyn. Le film est par ailleurs entièrement joué en yiddish…Joshua Z. Weinstein (ne pas confondre avec Harvey) vient du documentaire…Menashé Lustig , l’interprète principal du film existe réellement, il a été présenté au réalisateur par un ami. Menashé lui a raconté la mort de sa femme Leah, et comme l’impose une règle de l’hassidisme, qu’en tant qu’homme seul, il ne peut élever son enfant. Son fils Ruben a donc été placé chez son oncle, Elzik, frère de l’épouse décédé, et particulièrement religieux et dont l’existence est strictement réglée par la Thora. Menashe a une vision plus souple, il ne porte le chapeau et la redingote que les grands jours, ses papillotes sont masquées derrière les oreilles, mais porte en permanence son talit katan et son fils lui reproche parfois sa tenue et lui demande pourquoi il ne s’habille pas comme son oncle… Modeste employé d’une superette tenue par un juif orthodoxe qui le malmène, les seules personnes qu’il côtoie en dehors de sa société ultra-orthodoxe, sont deux latinos qui essayent de le divertir…Plutôt lourd et pataud, il tranche par rapport à la rigueur morale et vestimentaire de son milieu. Son rabbin, le presse de se remarier, une marieuse est même en action, mais peu séduit par les prétendantes, d’autant que sa première union, arrangée lors d’un voyage en Israël, a plutôt été malheureuse, il n’est pas pressé de se décider. Il obtient du rabbin de passer une semaine avec son fils, pour montrer qu’il peut faire face et organiser la cérémonie d’anniversaire de la mort de son épouse. En dehors de la curiosité quasi anthropologiste qui peut nous amener à ce film, c’est la relation fragile et sans cesse menacée entre un adulte maladroit et un gamin déjà très marqué par le hassidisme qui est mise en scène , avec distance, modestie et émotion retenue…mais cette situation peut rejoindre, celle plus universelle des pères privés de leur progéniture. Juif non pratiquant Joshua Z.Weinstein ne porte aucun regard critique sur cette communauté il cherche à être le plus vrai et le plus honnête possible…néanmoins l’uniformatisation du vêtement n’efface pas complètement les rapports de classe, et le contraste que l’on peut percevoir entre la modestie de l’appartement de Menashe et l’embourgeoisement de son beau-frère…et cette question difficile, comment concilier l’appartenance à une société aux codes stricts et l’amour paternel quand les deux se télescopent ? Cette lente et délicate chronique a été récompensée du prix de Jury au dernier festival du film américain de Deauville… Amplement mérité…